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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/392

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se les procuraient comme ils pouvaient, par des moyens bons ou mauvais… Qui peut douter qu’en pareil cas le roi de Prusse en eût fait autant ? »… Après cela, nous aurions sans doute tort de faire les difficiles.

Ce fut le prince de Soubise qui présenta le nouveau gouverneur aux autorités francfortoises. Les archives de la ville ont conservé les paroles qu’il prononça à cette occasion : « Si je connaissais dans l’armée que je commande un sujet plus propre à faire régner entre vous et vos hôtes la bonne intelligence, je vous le donnerais. En choisissant le comte de Thorenc, je vous prouve combien votre ville m’est chère. »

Le nouveau gouverneur ne démentit pas cet éloge. On peut même dire qu’il surpassa l’attente de ses chefs. Les Mémoires de Gœthe, qui sont les souvenirs d’un enfant, ne disent rien du rôle public de Thorenc. Mais des renseignemens authentiques nous le montrent, prenant, un demi-siècle à l’avance, le rôle qu’on a vu à quelques-uns de nos intendans et préfets pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire. Francfort, dans le cours des quatre ans que dura son administration, lui dut le renouvellement de son édilité : ordonnances pour l’éclairage des rues, pour le numérotage des maisons, pour l’établissement d’une meilleure voirie, pour les mesures en cas d’incendie, il s’occupa de tout. Il améliora le régime des hôpitaux, rendit la police plus sévère. Le souvenir s’est conservé de cet administrateur, qui empruntait sans doute à sa qualité de militaire et d’étranger une autorité dont avaient quelque peu manqué les magistrats de la vieille république. Il a été fait, il y a quelques années, à Francfort, par le docteur Grotefend une conférence sur les services que l’officier français avait rendus à la ville.

La reconnaissance des habitans, qui n’avaient pas tous, ce semble, à son égard, les sentimens de Jean-Gaspard Gœthe, se traduisit par plusieurs manifestations publiques. Mais il n’était pas facile de faire accepter au comte de Thorenc un témoignage de gratitude. Nous avons cité plus haut un passage des Mémoires où il est parlé de sa susceptibilité en cette matière. Les archives de la ville en fournissent une confirmation piquante. A un certain moment, les magistrats, ayant déjà vu repousser plusieurs tentatives, voulurent au moins lui faire accepter un cadeau de leur façon, un présent ne tirant pas à conséquence : une pièce de vin du Rhin. Le comte refusa encore, mais cette fois crut devoir