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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/473

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vraisemblablement perdu notre procès. Mais, puisqu’en maintenant le principe du droit de réponse, et en le proclamant « général et absolu, » — ce sont là les termes qui tient la liberté des tribunaux, — la jurisprudence admet qu’on y déroge au moins dans quatre cas, nous demandons qu’une jurisprudence plus large, plus libérale, et surtout plus conforme à la nature des choses, permette qu’on déroge au principe en d’autres cas encore, et à vrai dire aussi souvent qu’il y en aura des motifs suffi sans dans les faits de la cause. Un journal ou une Revue peuvent refuser d’insérer une réponse jugée contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs, à l’intérêt des tiers, à l’honneur du journaliste : nous demandons qu’ils puissent refuser de l’insérer toutes les fois qu’en se produisant en public, celui qui prétend répondre aura lui-même provoqué la critique, — et ce sera justice.

Nous demandons aussi qu’on donne aux tribunaux le droit de limiter la longueur des réponses, tout le monde sentant bien que la critique ou l’analyse la plus longue étant ordinairement la plus consciencieuse, l’écrivain et la publication seraient le plus grièvement frappés qui justement auraient traité l’œuvre avec le plus de scrupules et de modération. On ne dispose en notre temps que de peu de place pour les Mérovingiens !

Que si maintenant cette réforme de la jurisprudence ne saurait s’accorder avec le texte de la loi, ou si l’on se défie de la compétence littéraire des tribunaux, alors c’est la loi que nous demandons qu’on change ; et, de quelque hostilité que le pouvoir politique soit naturellement animé contre la presse, nous espérons bien que nous y arriverons.

Le moyen en sera très simple. Il suffira de dire que le droit de réponse n’a pas de lieu d’être « en matière de critique littéraire, artistique ou scientifique[1] ; » quoique d’ailleurs on puisse, dans un article littéraire, artistique ou scientifique, se servir de mots ou formuler des imputations qui donnent ouverture au droit de réponse. Et je ne dis pas que la distinction ne soit quelquefois extrêmement délicate à faire ! Un auteur mécontent découvrira toujours dans un article auquel il prétendra répondre une « intention de lui nuire » ; et sans doute elle y sera ! Boileau a positivement eu l’intention de nuire à Chapelain, comme avant lui Chapelain l’avait eue de nuire à Corneille. Question

  1. Nous ne faisons d’ailleurs, dans ce paragraphe, que commenter l’avis exprimé par M. Fabreguettes, dans son Traité des Infractions de la Parole, de l’Écriture et de la Presse, t. I, p. 183-184 ; Paris, 1884, Chevalier Marescq, éditeur.
    M. Fabreguettes est conseiller à la Cour de cassation.