Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préfets de France, se trouvait cette recommandation : « Quand un conseil municipal vous demandera de changer le caractère de son école, usez de tous les moyens dont vous disposez pour vous assurer que le conseil municipal exprime bien les vœux des pères de famille. »

On peut juger par là ce qu’il devait penser du procédé qui consiste à passer outre, sur un tel sujet, au vœu de communes entières, même appuyées par leurs représentans. J’étais de plus en droit de conclure que, s’il lui était arrivé de qualifier par un trait un peu vif (ce qu’on lui avait fort reproché) les faveurs faites à tort ou à raison par la loi de 1850 au froc du religieux ou à la robe de la sœur, il n’aurait au moins jamais consenti à faire de ces insignes de la charité et du dévoûment une cause d’incapacité et même d’indignité légales.

A la vérité, il me faisait remarquer en même temps, non sans quelque tristesse, que ces intentions étaient bien différentes de celles que lui avaient prêtées ses contradicteurs catholiques, et en particulier le plus éloquent de tous, Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans. C’était certain : et l’illustre prélat n’aurait pu manquer de le reconnaître. A la vérité, il aurait pu répondre que les sentimens exprimés par lui dans cette franche déclaration ne différaient pas moins de ceux que lui supposaient, au cours des polémiques alors engagées, des apologistes très chauds, qui n’étaient pas toujours désavoués et dont beaucoup sont pourtant les mêmes à qui il a reproché d’avoir dénaturé son œuvre en prétendant la continuer, — ce qui rendait peut-être la méprise excusable ; et il pourrait ajouter que si, en ce qui touche les mesures elles-mêmes, alors si vivement débattues, ses critiques étaient peut-être excessives, on n’en peut dire autant de ses craintes pour l’avenir et de ses pressentimens.

Quoi qu’il en soit, nos communications sur ce grave sujet étaient devenues si familières que, le jour où l’Académie française eut à se prononcer sur la désignation du membre de l’Institut qui devait siéger au Conseil supérieur de l’instruction publique, ayant inscrit, comme tout le monde, son nom sur mon bulletin, je m’approchai de lui en souriant : « . Monsieur Duruy, lui dis-je, nous ne nous en serions peut-être pas doutés, il y a quinze ans, ni l’un ni l’autre, mais il faut que vous en preniez votre parti : j’ai voté pour vous, en votre qualité de clérical. » Il eut le bon goût de prendre la plaisanterie en bonne part, et il me sut gré d’ajouter