vient de me dire qu’il croyait que la bataille ne se donnerait que le 17 ; je me flatte que vous n’arriverez pas à temps. » Elle le met en garde contre son ardeur guerrière, et lui déconseille l’héroïsme avec une candeur qui désarme : « Ménagez vos jours pour l’amour d’une femme qui vous adore ; songez que. s’il vous arrivait malheur par votre faute, on dirait seulement que vous étiez un sot, d’aller où vous n’aviez que faire : voilà le seul profit que vous en retireriez ! »
La tendresse conjugale ne faisait d’ailleurs point tort, chez la princesse de Condé, au sentiment maternel ; elle se reconnaît au contraire sur ce point « une vocation tout à fait décidée. » Au début de son mariage, comme elle tarde à devenir enceinte, elle se désole, s’inquiète, et se sent « très jalouse des femmes qui le sont. » Une fausse couche qu’elle fait pendant une campagne du prince la met au désespoir ; elle se reproche avec amertume ce qu’elle nomme « sa maladresse », s’en accuse comme d’une faute auprès de son époux : « Revenez bien vite, lui écrit-elle, pour m’aider à la réparer ! » Ce vœu naïf fut exaucé : vers la fin de l’année 1755, le prince de Condé vint informer le Roi de la grossesse de sa femme, dont on attendait, dit-il, la délivrance pour le mois de janvier suivant. Trois mois après la date fixée, l’événement annoncé ne s’était pas encore produit ; la Cour et la ville ne s’occupaient que de ce retard extraordinaire ; et la duchesse d’Orléans, qui se piquait de faire des bons mots, conseillait à sa cousine « d’avaler un précepteur en pilules, pour que l’enfant vint au monde tout éduqué. » Enfin, le 23 avril, la princesse accoucha d’un fils, qui reçut le titre de duc de Bourbon[1] : cette première naissance fut suivie, dix-huit mois plus tard, de la venue d’une fille, qui est l’héroïne de cette étude, et qui fut, dès le lendemain, ondoyée en présence de Mme Louise de France et du Dauphin, desquels elle tint son nom de Louise.
Ces deux enfans, si rapprochés d’âge, occupent dès lors une large place dans la vie de leur mère. Elle les aime avec fureur, les entoure de soins minutieux, leur témoigne une sollicitude pour ainsi dire bourgeoise, et dont, à cette époque, on voit bien peu d’exemples. Quand, pendant les voyages de la Cour, les nécessités de son rang l’obligent à se séparer d’eux, elle ne peut se faire à cet éloignement, vient à chaque instant, pour les voir, à Paris,
- ↑ Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon, 1756-1830.