ou « reste en solitude », ce qu’elle préfère à tout. C’est aussi l’heure des charités ; partout où elle passe, les malades et les pauvres connaissent sa bonté bienfaisante. Elle ne se contente pas de donner, elle s’intéresse à la misère, aime « à parler à ces bonnes gens » et à écouter leurs récits. On s’étonne autour d’elle de ce goût singulier : quand elle visite avec son père l’hospice de Chantilly, le prince parcourt d’un pas rapide « les corridors, les chambres, les jardins, » inspecte, examine tout, « sauf les gens qui l’habitent, » et n’en peut croire ses yeux, de la voir s’arrêter près du lit d’une malade et causer longuement avec elle. Elle mande fréquemment dans sa chambre une « petite bergère », dont elle fait vivre la famille : « Elle m’aime à la folie, dit-elle, et m’embrasse à chaque instant... Je viens de lui dire qu’elle avait l’air de m’aimer plus qu’il y a quatre mois, et que je voudrais en savoir la raison ; elle m’a répondu : « Oh ! dame, quatre mois, cela fait bien des jours, et voilà pourquoi je vous aime plus ; » puis elle m’a tendu ses petits bras en ajoutant : « Baise-moi donc, Mademoiselle ! » La journée s’écoule rapidement dans ces occupations diverses ; elle soupe à dix heures avec quelques intimes, les congédie peu après, écrit des lettres une partie de la nuit, et ne se couche parfois qu’à la pointe du jour.
C’est le train ordinaire, mais les obligations du monde viennent fréquemment à la traverse. A Chantilly surtout, elle doit payer de sa personne, et elle le fait de bonne grâce. Ce sont d’abord les chasses, qui, dans la vie des Condé, tiennent une place importante : la princesse y prend volontiers part, y déploie même un véritable entrain. Elle assiste, le matin, au rapport des piqueurs, à la discussion du plan de campagne : « C’était, dit-elle, une scène qui m’amusait toujours ; il me semblait que le conseil de Louis XIV ne pouvait avoir plus de gravité que n’en mettaient à ceci les Fanfare, La Plaine, Beurre-frais, et autres grands hommes du siècle de la chasse. » Puis, c’est l’animation de la poursuite, et, par les larges allées ombreuses, les courses éperdues. « La fureur d’être dans les bois » lui semble une passion noble et digne de sa race. Combien elle la préfère au futile « papillotage » des salons ! Il faut s’y résigner pourtant, « se friser les cheveux et se mettre du rouge », ce qui lui déplaît tant. Il faut surtout monter sur les planches et jouer la comédie de société. C’est une des institutions de Chantilly ; le prince en raffole, mais pour plus d’un motif, — dont le meilleur est la jalousie de sa maîtresse, Mme de Monaco, —