Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/610

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne fît, comme la veille, hésiter Ney à aller de l’avant, crut nécessaire de le rassurer et de lui renouveler encore une fois ses ordres. Il lui fit incontinent écrire par le major-général : « Blücher étant hier à Namur, il n’est pas vraisemblable qu’il ait dirigé des troupes vers les Quatre-Bras. Ainsi vous n’avez affaire qu’à ce qui vient de Bruxelles. Réunissez les corps des comtes Reille et d’Erlon et celui du comte de Valmy ; avec ces forces vous devez battre et détruire tous les corps ennemis qui peuvent se présenter. » A toute éventualité, cependant, l’Empereur prescrivit au comte de Lobau de rester provisoirement à Charleroi afin de se porter, si besoin était, au secours de Ney. D’après ses ordres, l’adjudant-commandant Janin, sous-chef d’état-major du 6e corps, fut envoyé à Frasnes pour juger de l’état des choses.

L’Empereur arriva à Fleurus un peu avant 11 heures. Il y trouva Grouchy, non sans quelque étonnement car il le supposait déjà en marche sur Sombreffe. Le maréchal n’eut point de peine à lui faire comprendre qu’en présence des masses ennemies qui prenaient position au nord de Fleurus, il avait dû se borner à occuper ce village, évacué au petit jour par les Prussiens. L’Empereur parcourut la ligne des avant-postes. A la pointe de Fleurus, s’élève un moulin de briques, en forme de tour, qui domine toute la plaine. Il ordonna à des sapeurs de pratiquer au moyen d’une brèche dans le toit tournant, une porte de loggia où il monta pour observer les positions ennemies.


III

Blücher, accouru de Namur à la première alerte, était arrivé à Sombreffe le 15 juin, dès 4 heures de l’après-midi. Il se flattait d’avoir le 16, de bon matin, ses quatre corps d’armée derrière le ruisseau de Ligny, position qui lui avait été signalée deux mois auparavant par le major von Gröben et où il avait dès lors résolu de livrer bataille, si les Français passaient la Sambre vers Charleroi. Mais à cause de l’excessive extension de ses cantonnemens, le feld-maréchal éprouva des mécomptes. Le 16, à 11 heures du matin, il n’avait encore en ligne que le corps de Ziéten, réduit à 28 000 hommes par les pertes de la veille. Le corps de Pirch Ier (31 000 hommes) arriva à Sombreffe seulement à midi, suivi à quelque distance par le corps de Thielmann (24 000 hommes). Quant au 4e corps, on avait reçu dans la nuit au quartier général