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de Carmaux, en fait, et d’après tout cela, était plutôt heureux pour un verrier. Certaines familles arrivaient à gagner quatre et cinq cents francs par mois. Des verriers s’enrichissaient, faisaient de grosses économies. L’un d’eux, m’a-t-on raconté, possède une maison de cinquante mille francs, y tient un café, et fait là, comme cafetier, d’excellentes affaires. A qui remontait un peu toute cette prospérité ? A M. Rességuier. Il y contribuait, et y avait contribué. Comment donc M. Rességuier, démocrate, philanthrope, et subventionneur de syndicats, avait-il rompu tout à coup, à propos de l’incident Baudot, avec ces mêmes syndicats ? On a déjà vu pourquoi, et comment la lutte s’était engagée. M. Rességuier, malgré tout, voulait demeurer le maître, et les verriers, malgré tout aussi, entendaient s’émanciper. Peut-être maître et verriers, d’ailleurs, avaient-ils fraternisé de trop près pour que leur fraternité durât. Il faut, quelquefois, n’être pas trop frères. Dans tous les cas, et quoi qu’il en ait été, il est bon de lire ici avec attention certains documens curieux. Si heureux qu’ils fussent comme verriers, les verriers de Carmaux n’en avaient pas moins fondé un Syndicat, le Syndicat s’était affilié à la Fédération, et Fédération et Syndicat ne s’en tenaient pas, dans leurs plans, au vague eldorado populaire, rêvé par les philanthropes de 1848.


V

Lisons donc un certain Règlement établi pour les apprentis verriers, le 17 mars 1892, par l’ancienne Chambre syndicale des verriers de Carmaux.

Le voici dans son entier, avec toutes ses originalités d’expression, mais aussi, il faut bien le dire, avec toute l’extraordinaire tyrannie de ses prescriptions, si extraordinaire même qu’elle en est d’abord énigmatique.


Article premier. — Nul ne pourra travailler de Gamin avant l’âge de quatorze ans. Il pourra, six mois avant cet âge, cueillir du verre, mais pour s’exercer seulement. IL DEVRA PAYER AU SYNDICAT, EN PRENANT PLACE DE GAMIN, LA SOMME DE DIX FRANCS.

Art. 2. — Au bout d’une année de travail de Gamin, il aura le droit de faire une paraison à chaque braise. IL PAIERA POUR AVOIR CE DROIT CINQ FRANCS.

Art. 3. — Après avoir fait des paraisons pendant six mois, aux braises, il aura le droit d’en faire en travaillant. IL PAIERA POUR AVOIR CE DROIT CINQ FRANCS.