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pour la première fois, chez les verriers, l’idée de fonder une verrerie sans patron. Le ministère Bourgeois les y encourageait ; ils croyaient pouvoir compter sur lui ; et nous lisons dans le Temps, à la date du 2 novembre : « Il faudra bien, nous dit un gréviste, qu’on nous procure les moyens d’installer une verrerie à nous. Nous avons de l’argent, nous pouvons continuer la lutte. » Et le reporter ajoute : « Dans quelques cafés, je trouve des grévistes qui s’expriment dans les mêmes termes. » Et la Justice, journal radical, annonce, en effet, huit jours plus tard : « Les ouvriers verriers et similaires sont décidés de fonder la Verrerie aux verriers, qui donnera du travail à tous ceux que M. Rességuier ne reprendra pas. » Et la Petite République, également radicale : « Ils décident, selon le conseil qui leur est donné par de nombreuses organisations, de fonder immédiatement une Verrerie aux verriers. » Et la Dépêche, pour ne citer toujours que les journaux radicaux, c’est-à-dire les journaux favorables aux grévistes : « Les organisations ouvrières, chambres syndicales, sociétés coopératives de consommation et de production et, en général, tous les groupes organisés, sont invités à se faire représenter par des délégués à la réunion qui aura lieu dimanche prochain 17 novembre, à deux heures de l’après-midi, rue de Flandre, 4, Paris, au café Béranger. Ordre du jour : Voies et moyens pour la création d’une USINE COOPERATIVE OUVRIÈRE, la Verrerie aux verriers de Carmaux. » Et M. Jaurès, le lendemain, dans la même Dépêche : Il faut que les militans trouvent un abri et du travail dans une Verrerie aux verriers. » Partout, dans toute la presse, il n’est plus ainsi question, pendant huit jours, que d’une Verrerie aux verriers, qui sera la leur, qui leur appartiendra, où ils seront leur propre patron, leur propre propriétaire. Les souscriptions abondent, mais pour la Verrerie aux verriers. Une dame charitable, Mme Dembourg, donne cent mille francs, mais pour la Verrerie aux verriers. « L’idéal, déclare la Justice, déjà citée, c’est que l’usine tout entière appartienne aux coopérateurs ! » Et les verriers, tous les matins, revoient ainsi dans les journaux la même rubrique bien précise : La Verrerie aux verriers… C’était donc brusquement, à la dernière heure, que la « Verrerie aux verriers » s’était transformée en « Verrerie ouvrière ». La métamorphose avait été opérée presque sans bruit, par un certain « comité provisoire » dont les manifestations se trouvaient signées par un