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certain « Beausoleil », et ce n’était pas sans stupeur que les malheureux verriers, en arrivant sur leur terrain, pour construire leur verrerie, avaient lu ce règlement affiché dans les chantiers :


RÈGLEMENT INTERIEUR

Le Conseil d’administration de la Verrerie ouvrière rappelle à tout le Personnel employé à la construction de l’usine que, pour assurer la réussite de l’Œuvre que le Prolétariat édifie pour les victimes de Rességuier, il est urgent que toutes les bonnes volontés se manifestent dans l’exécution du travail... Il n’hésitera pas un seul instant ù intervenir avec toute l’énergie nécessaire pour réprimer tous les abus qui porteraient atteinte et entraveraient le bon fonctionnement de l’Œuvre.

Article premier. — Tous les ouvriers sont tenus de prendre leur travail et de ne le quitter qu’aux heures indiquées ; ceux qui ne s’y conformeront pas se verront réduire leur journée d’une heure au moins.

Art. 2. — Tous les ouvriers doivent tenir compte des observations qui leur seront faites par les syndics et les membres du Conseil d’administration, et exécuter les ordres qui leur seront donnés par MM. les Conducteurs des travaux. Tout refus ou toute insulte de leur part les rendront passibles, pour la première fois, d’une mise à pied variant de un jour à huit jours, et, en cas de récidive, du renvoi.

……………………………

Art. 4. — Tous ceux qui provoqueraient des querelles ou rixes sur le chantier seraient mis à pied de un à huit jours ; en cas de récidive, renvoyés.

……………………………

Art. 6. — Tout ouvrier qui, par indiscipline, mauvaise volonté, ou par toute autre manœuvre, cherchera à entraver le bon fonctionnement de l’usine sera, une première fois, mis à pied de un à huit jours ; en cas de récidive, renvoyé.

Par le Conseil d’administration de la Verrerie ouvrière.


L’Administrateur délégué.

Lu et approuvé à l’Assemblée générale du 25 mai 1896.

Adopté à l’unanimité moins trois voix.


Là encore, et d’après le ton seul du règlement, on est bien en guerre, et on sacrifie tout à la guerre. C’est toujours la lutte, le combat, avec la « victoire » pour but. Rien de plus logique ! Ici, seulement, la « victoire » implique la réussite d’une industrie, et l’on en revient dès lors forcément à la réglementation patronale, et en l’aggravant même d’une rudesse menaçante, d’un caractère de loi martiale. Obligation d’obéir, d’être là à l’heure, de s’en aller à l’heure, d’exécuter les ordres, ou le renvoi ! Indiscipline, mauvaise volonté, mauvais esprit ? Le renvoi ! Sauf M. Rességuier lui-même, on se retrouve là sous le régime de M. Rességuier. Le patron n’existe plus en personne, mais toutes les servitudes de