Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/678

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il importe donc que le fer pesant soit intimement lié dans la même molécule à un très grand nombre d’élémens légers, et comme noyé dans leur masse, de manière qu’il s’établisse vis-à-vis de la pesanteur une sorte d’état moyen et compensé. C’est ainsi que se trouvent constitués les édifices moléculaires à dimensions gigantesques dont les composés organiques du fer nous offrent l’exemple remarquable. En particulier, la molécule de la matière rouge du sang des animaux supérieurs, pour un atome de fer, en fixe 712 de carbone, 1 130 d’hydrogène, 214 d’azote, 245 d’oxygène et 2 de soufre ; au total 2 303.

Une autre condition qui intervient encore pour décider si un élément organique est ou non capable d’entrer dans la constitution de la matière vivante est tirée de la considération de sa chaleur spécifique. Pour protéger l’être vivant contre les trop brusques changemens de température, pour en atténuer les mortels effets, il est utile que les élémens constitutifs aient une chaleur spécifique élevée, c’est-à-dire, pour parler la langue ordinaire, qu’ils soient lents à se refroidir et également lents à se réchauffer. Les oscillations thermiques se trouvent ralenties et en quelque sorte amorties par cette paresse de la matière vivante à se mettre en équilibre de température avec les corps extérieurs, et les conséquences périlleuses de leur soudaineté se trouvent conjurées. Le fer, parmi les métaux, jouit à un haut degré de ce privilège d’une chaleur spécifique élevée et d’une faible conductibilité. C’est grâce à ces propriétés bien connues que le forgeron peut tenir dans sa main la barre de métal dont l’autre extrémité est incandescente : pratique qui serait absolument impossible avec d’autres métaux, tels que le cuivre et les métaux précieux.

Nous connaissons maintenant les principales circonstances auxquelles le fer doit son admission parmi les élémens biogénétiques. Les vertus particulières qu’il possède et qui s’ajustent parfaitement aux nécessités de la vie, il les transporte avec lui dans les composés dont il fait partie et qui sont, eux-mêmes, les principes immédiats des organismes. Il nous reste cependant à faire connaître la dernière et la plus essentielle de ses propriétés, qui achève de l’adapter parfaitement à l’accomplissement des actes vitaux et sur qui repose à la fois la particularité de son rôle et son importance : nous voulons parler de sa fonction chimique d’agent d’oxydation ou de combustion.

Mais, avant d’aborder ce point, nous ne devons pas quitter les