Certainement, depuis que la nation avait, par plusieurs actes solennels, prononcé la déchéance de la dynastie des Bourbons, les Napoléon avaient juridiquement le droit de se porter, au nom de la souveraineté nationale, comme les véritables représentans de l’hérédité monarchique, tel que le fut Hugues Capet en présence des derniers Carlovingiens répudiés. Mais non moins certainement encore, il existait un représentant de la dynastie à laquelle la France avait dû sa formation, réclamant son droit et appuyé par un noble et vigoureux parti. Les d’Orléans étaient en train de faire amende honorable de l’usurpation de 1830. Louis-Philippe lui-même la désavouait et se refusait à préparer des Cent jours orléanistes. « Mon petit-fils, disait-il, ne peut régner au même titre et aux mêmes conditions que moi, qui ai fini par échouer. Il ne peut être que roi légitime, soit par la mort, soit par l’abdication de Mgr le duc de Bordeaux[1], » L’orléanisme irrévocablement condamné par celui qui l’avait intronisé, les orléanistes n’avaient plus qu’à devenir républicains ou à redevenir légitimistes. Dès lors, en face de l’hérédité récente des Bonaparte se dressait fière et menaçante l’hérédité séculaire des Bourbons, soutenue par des princes jeunes, intelligens, patriotes, intrépides.
N’était-ce pas le cas de se rappeler l’enseignement de l’expérience, maintes fois donné dans les fréquentes révolutions des républiques italiennes et renouvelé en Angleterre par les Stuarts, que la domination d’un prince nouveau est sans cesse en péril tant que survivent les descendans de ceux dont il occupe le trône. Il est obligé, ce qui n’est accordé à aucun mortel, d’être toujours heureux ! Au moindre revers, les dépossédés qui le guettent reviennent et le culbutent. Un seul moyen sûr s’offrait au Prince d’échapper à cette menace et de s’assurer même contre la fortune adverse, c’était de se cantonner dans la République. Hérédité pour hérédité, celle des Bourbons était de meilleur aloi. Au contraire, il n’avait pas de compétition à redouter dès qu’il s’instituerait le représentant du système républicain contre l’ancien régime.
Un des plus sages conseillers de Napoléon Ier, Cambacérès, soutenu par Joseph, avait essayé d’éloigner par cette raison le grand homme de la tentation du trône. Il n’avait pas été écouté. « Malgré sa répugnance personnelle pour le système héréditaire auquel il préférait le système impérial électif, il se fit
- ↑ Guizot à Barante, 9 juillet 1850.