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brillante escorte l’accompagne[1]. Tel se manifeste son règne.

Il gouverne à l’aide d’un cabinet privé et de ministres. Le cabinet privé représente la partie immuable et intime de son gouvernement ; les ministres en sont les agens extérieurs et variables.

Le chef du cabinet était Mocquard, et le sous-chef Franceschini-Pietri.

Mocquard était né à Bordeaux[2]. Un portrait de son ami Géricault nous le montre en sa beauté grave et charmante. Après une courte tentative de carrière diplomatique, il avait débuté au barreau de Paris, en même temps que Berryer et Dupin, dont il était l’ami. Élevé dans les idées de Destutt de Tracy et La Romiguière, il était libéral, peu favorable à l’Empire. C’est dans des procès politiques, celui de l’Épingle, de la souscription nationale, des sergens de la Rochelle, qu’il révéla une éloquence destinée à l’élever au premier rang du barreau. Vers 1817, ayant perdu une personne aimée, il en conçut un tel chagrin qu’il quitta la France et vint passer quelque temps à Leipzig. A son retour, il s’arrête à Augsbourg. Dans les rues de la ville, il rencontre Mlle Cochelet, une de ses connaissances, alors lectrice de la reine Hortense. Surprise réciproque. — Que faites-vous ici ? lui demande Mlle Cochelet. — Il lui conte comment et pourquoi il se trouve en Allemagne. — Venez donc rendre visite à la Reine, lui dit-elle, elle est si heureuse de recevoir des Français et d’entendre la langue natale ! — Je ne le puis, répond Mocquard, je n’appartiens pas à son parti : je suis libéral. — Si vous êtes libéral, c’est parce que vous avez du cœur ; vous ne pouvez pas refuser un témoignage d’intérêt et de respect à une exilée. — Mocquard se rendit dans le salon de la reine. Deux dames étaient assises à ses côtés : la beauté de l’une lui rappelant celle qu’il pleurait, il ne peut retenir un vif mouvement d’émotion. La reine s’en aperçoit et croit qu’elle a causé ce trouble. Elle lui dit : — Peut-être me trouvez-vous quelque ressemblance avec une personne chère ? — Il était malaisé de répondre non. La reine attendrie le consola, et si bien qu’il quitta Augsbourg bonapartiste pour toujours.

En 1826, une maladie de la gorge l’obligea de renoncer à une carrière pleine de promesses. Il resta, après 1830, sous-préfet à Bigorre jusqu’en 1839. Il avait conservé ses relations affectueuses

  1. Sur la cour de Napoléon, voir le très agréable et intéressant ouvrage du duc de Conegliano : la Maison de l’Empereur.
  2. Le 11 novembre 1791.