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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/802

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l’âme, elle sera l’ornement du trône, comme au jour du danger elle deviendrait un de ses courageux appuis. »

Ce touchant langage était celui d’un Président de République plus que celui d’un Empereur. Et ce fut l’objection que certains amis du Prince, Persigny, Troplong, Abbatucci, Drouyn de Lhuys opposaient au mariage lui-même. Le fondateur d’une dynastie ne fait pas des coups de cœur, disaient-ils ; il épouse une Marie-Louise, non une Joséphine.

Le coup de cœur attendrit le peuple ; le jour du mariage, il ratifia par ses acclamations le choix de son Prince. On avait redoré en vue de cette solennité le carrosse qui porta Marie-Louise. Quand le somptueux véhicule était sorti, le 2 avril 1810, de la voûte des Tuileries, la couronne impériale qui le surmontait s’était détachée et brisée. Elle se détacha et se brisa aussi le 30 janvier 1853, quand il sortit, portant Napoléon III et sa belle épouse.


XII


L’édifice de l’Empire autoritaire est maintenant achevé, et son chef peut se mettre librement à l’œuvre. La cruelle maladie qui le terrassera et le rendra un autre homme ne l’a pas encore atteint ; il est vraiment, avant la pierre, tout à fait lui-même, comme l’était Louis XIV avant la fistule[1].

Personne ne le gêne : le prince Napoléon, quoique réconcilié, appelé éventuellement à la succession, fait général de division, n’est pas admis aux conseils. Morny reste à l’écart depuis sa démission ; Persigny se repose de ses supercheries et de ses manœuvres dans les joies d’un récent mariage ; l’Impératrice heureuse, adulée, toute à l’heure présente, ne s’occupe pas encore des affaires. L’Empereur agit seul, il règne et il gouverne seul. Quoique simple en ses goûts, sobre, n’aimant ni le luxe ni l’ostentation, il s’entoure des splendeurs royales et il règle sa cour, selon les précédens de l’étiquette du premier Empire. Il a une maison civile et une maison militaire, des aides de camp et des officiers d’ordonnance, des chambellans, des écuyers, des veneurs, des cent-gardes ; quand il se montre officiellement, il porte le costume de général de division, et une

  1. Voir Michelet.