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dans bien des cas parce qu’ils ont peine à trouver l’appui financier dont ils auraient besoin pour organiser de vastes entreprises. Et d’où vient cette froideur des banquiers, peu explicable de nos jours, où les revenus des fonds d’États et des obligations de premier ordre sont tombés si bas, que leur tendance naturelle devrait être au contraire d’augmenter leurs placemens industriels ? Il faut en chercher la cause, d’une part dans les lois hostiles au marché des valeurs mobilières, dans les augmentations constantes des charges fiscales qui les écrasent ; d’autre part, dans l’état de l’opinion publique, qui, par une bizarrerie étrange, se passionne de plus en plus pour les questions économiques, et semble refuser son estime, ou tout au moins la ménager bien injustement, à ceux qui affrontent les difficultés, on peut dire les dangers innombrables, dont la carrière des affaires est semée, à ceux dont le concours est la condition première du succès de toute grande entreprise en France et à l’étranger, à ceux qui exercent la fonction redoutable de manier leurs capitaux et ceux d’autrui.


VI

De même que quelques portraits d’aïeux peuvent donner une idée exacte des traits caractéristiques d’une famille, de même les quelques exemples pris par nous auront facilité au lecteur la conception générale des conditions de l’industrie allemande contemporaine. Nous n’avons cherché qu’à éveiller chez les intéressés la curiosité nécessaire. Chacun d’eux devra s’efforcer de connaître les détails de la branche qui est sienne : de telles monographies seront instructives à bien des points de vue et permettront de préciser les raisons du succès de nos voisins, que nous avons indiquées en bloc. Nous lisions récemment, dans le journal le plus répandu de notre pays, un article qui déclarait que « l’empire d’Allemagne, qu’on cite souvent comme le royaume de l’industrie et du progrès, n’est que le royaume de la faim », Nous sommes convaincus que celui qui a écrit ces lignes n’a jamais pris la peine de visiter les centres industriels de l’empire dont il parle. Il a emprunté quelques chiffres à un pamphlet local, fait ressortir le bas taux des salaires — en face desquels il a oublié de constater le bon marché de la vie — et insisté sur les mauvaises conditions d’hygiène dans lesquelles vivent certaines populations