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de tous côtés que la « jeunesse » manque d’idées gêné raies ! A qui donc la faute en est-elle ? Une hypothèse, que ce soit celle de l’attraction ou de l’évolution, est une idée générale, et, ne fût-ce que pour en éprouver la valeur, on ne saurait l’appliquer à trop de faits, ni trop d’idées. Enfin, et en troisième lieu, il y a cette différence entre l’attraction, que je viens de nommer, et l’évolution, qu’hypothèse ou non, l’évolution est de plus une méthode. C’est sur ce point qu’il convient d’insister.


II

Me contredira-t-on si j’avance que ce qui manque le plus jusqu’à présent dans nos Histoires de la Littérature française, — et aussi dans les histoires des littératures étrangères, — c’est la méthode ? Prenez l’Histoire littéraire de la France, ce monument de l’érudition et de la conscience de nos Bénédictins : la disposition des matières y est l’absence ou la négation même de toute méthode. L’ordre dans lequel s’y succèdent les Notices n’est qu’une forme du désordre. L’analyse des œuvres d’un théologien y est suivie de celle d’une Chanson de Geste ou d’un Roman de la Table Ronde ; elle y précède la biographie quasi politique, uniquement politique, d’un Pierre Dubois ou d’un Guillaume de Nogaret. Une chronologie vague, dont les données ont été depuis cent cinquante ans modifiées cinq ou six fois par les découvertes de l’érudition, y fait le seul lien qui rattache les œuvres et les hommes. Ce sont les matériaux épars et quelquefois à peine dégrossis d’une construction qu’on désespère de voir s’élever jamais. Pendent opera interrupta... et à mesure que les matériaux s’accumulent, c’est-à-dire à mesure qu’un in-quarto s’ajoute à l’autre, on ne songe pas sans effroi que, dans cet inventaire des richesses littéraires de la France, nous n’en sommes qu’à peine au seuil du XVe siècle. La France attendra-t-elle jusqu’aux environs de l’an 2 000 ou 2 500 pour avoir une idée de sa littérature du moyen âge ?

On n’y voit pas plus clair dans les Histoires de la Littérature proprement dites, et, par exemple, dans la plupart d’entre elles, on ne sait pourquoi tel écrivain continue d’y faire figure, tandis que tel autre en semble systématiquement exclu. C’est ainsi que Nisard n’a parlé, pour ainsi dire, ni de Fontenelle ni de Bayle, quoique d’ailleurs les Pensées sur la Comète et les Entretiens sur la Pluralité des Mondes soient deux livres essentiels de l’histoire