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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/888

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de notre littérature. En revanche, il s’étend longuement sur « le bon Rollin » et sur le chancelier d’Aguesseau. Ce qui est plus choquant et surtout plus embarrassant, c’est le mépris qu’il affecte, comme avant lui Villemain, et comme après eux tous leurs imitateurs, pour toute espèce de chronologie. Je viens de nommer Fontenelle, dont les Entretiens sont de 1686 : lorsque Villemain, dans son Cours de Littérature française, arrive à en parler, il y a déjà trois ou quatre leçons qu’il a parlé de Voltaire, — de son Œdipe qui est de 1718, de sa Henriade, qui est de 1724, de sa Zaïre, qui est de 1732 ; — et ainsi, pour le dire en passant, c’est lui qui met en circulation cette idée fausse que Voltaire devrait à l’Angleterre tout ce que l’Angleterre du XVIIIe siècle doit elle-même à Fontenelle et à Bayle, dont il ne parle pas lui non plus, Villemain. Faut-il d’autres exemples ? On n’aurait qu’à choisir. Dans le programme arrêté naguère par le « Conseil supérieur de l’Instruction publique », pour l’enseignement de l’histoire littéraire, il est question de Marot, de Ronsard et de la Pléiade, des commencemens du théâtre classique, et alors, mais alors seulement, de Rabelais, qu’on rapproche de Montaigne, et quoiqu’il y ait d’ailleurs un demi-siècle entier d’intervalle entre le Pantagruel, 1533-1552 ; et les Essais, 1(80. Sans doute, on aura voulu suggérer au professeur l’idée d’un parallèle à la Plutarque, et des effets de rhétorique ! Un autre historien, qui ne saurait oublier qu’en Sorbonne Pascal appartient à un professeur, lequel est le professeur d’éloquence, et Corneille, quoique contemporain de Pascal, à un autre professeur, lequel est le professeur de poésie, nous expose donc l’histoire de « la poésie au XVIIe siècle », et revenant ensuite sur ses pas, l’histoire de la prose. Il eût pu faire aussi bien le contraire ! Grands ou petits, poètes ou prosateurs, les écrivains nous apparaissent ainsi comme détachés de tout ce qui les a précédés ou suivis, suspendus entre ciel et terre, situés en l’air, sans liaisons ni racines, coupés, après leur mort, de toutes les communications qu’ils ont eues pourtant, de leur vivant, avec leurs semblables, fixés


Dans quelque attitude éternelle
De génie et de majesté ;


et c’est ainsi que ce qu’il y a de plus vivant au monde, l’histoire d’une littérature, en devient ce qu’il y a de plus mort et de plus ennuyeux

C’est ici le premier service qu’il faudra bien que la méthode