quel côté est le devoir ! — Pour nous faire mieux comprendre l’intensité de cette lutte intime et la cruauté de ce déchirement, on a opposé à la figure de Du Breuil celle de d’Avol. Celui-ci, superbe dans sa bravoure farouche, n’admet pas qu’au nombre des obligations qui lui sont imposées il faille compter l’obligation de se rendre. Au péril de sa vie, il se fraiera un passage à travers les lignes prussiennes. Il n’a pas tenu à lui que ’armée ne se révoltât, ne déposât son chef. Au de la de certaines limites il tient la soumission pour lâcheté. De là, de cette différence dans l’application d’un même principe, l’antagonisme qui grandit entre les deux hommes, hier des amis, qui les met aux prises, face à face, et déchaîne entre eux les termes de mépris, les paroles de haine. Et le mot qu’ils se renvoient l’un à l’autre, c’est ce même mot : l’honneur. Du Breuil conclut : « Ce que vous prenez pour le cri de l’honneur n’est que le cri de l’orgueil. Or un soldat comme vous, comme moi, simple chiffre du nombre ne doit pas avoir d’orgueil. » Certes, un sacrifice tel que celui auquel se résigne Du Breuil est douloureux : il suppose beaucoup de valeur morale. Mais c’est la valeur morale qui constitue une armée. Sans elle, il n’y a qu’une cohue, qui peut d’ailleurs être innombrable. Ce qui réunit ces hommes assemblés, ce qui organise leur force, c’est un ensemble de sentimens, que tout notre soin doit contribuer à maintenir et à renforcer, car c’est contre eux qu’est dirigée la poussée venue de tous les points de la société moderne ; — et sans eux aucune société ne peut subsister.
Le premier, et dont tous les autres dépendent, c’est l’abnégation. « Il y a dans notre métier des heures amères, dit un des personnages du Désastre ; l’impuissance du soldat a beau être passive, elle n’est pas résignée. Quelle force de renoncement ne faut-il pas pour étouffer la voix de sa conscience !... » Et Du Breuil, porte-parole des deux auteurs, médite ainsi : « Une fois de plus, dans le désarroi de son âme, il fit appel à la discipline qui lui murait les yeux, les oreilles, la bouche, qui le pétrifiait vivant. Qu’était-il pour trancher, pour décider ? Rien. Instrument passif, il devait son labeur, son intelligence, sa vie : obéir était son lot. Ce renoncement du soldat, si semblable à celui du prêtre, pouvait lui paraître douloureux : il n’en possédait pas moins de beauté, de noblesse. La servitude militaire comporte une austère grandeur... » Cette abnégation, ce renoncement à soi-même, qui ne voit que c’est l’effort dont nous sommes devenus le moins capables ? Qui donc aujourd’hui accepte de rester à son plan et de faire à une place marquée une besogne déterminée, sans regarder par-dessus toutes les barrières, sans intervenir dans toutes les affaires, sans les appeler à la barre de son