qu’elles resteraient dans l’île, la question Crétoise ne serait pas résolue. C’est bien possible ; mais il y a d’autres raisons encore qui rendent cette question pour le moment insoluble, et il ne suffirait pas du départ des troupes turques pour qu’elle cessât de l’être, comme par enchantement. Lord Salisbury a déclaré que, sans ces troupes, le maintien matériel de l’ordre serait impossible dans la plupart des villes. Il a mis le doigt plus directement encore sur la véritable difficulté, en disant que ce qui manquait à la Crète, c’était un gouvernement régulier, et qu’il fallait avant tout lui en donner un. Or, on ne comprend pas un gouvernement sans un gouverneur. Le choix du gouverneur aurait dû être la première préoccupation de l’Europe. M. Hanotaux a toujours été de cet avis, et, dans les propositions qu’il a faites à l’Europe au mois de mai dernier, il avait mis en première ligne la nomination d’un gouverneur pour la Crète. Le Livre Jaune qu’il vient de publier fait, sous ce rapport, honneur à sa perspicacité. Malheureusement, l’Angleterre n’a pas partagé sa manière de voir. Lord Salisbury a estimé, au contraire, qu’il fallait commencer par donner une organisation, une constitution à la Crète, et que le gouverneur viendrait ensuite couronner de sa personne l’édifice construit par l’Europe. On a perdu beaucoup de temps : il a servi, si l’on veut, à éliminer un certain nombre de candidatures plus ou moins parasites. Enfin, dans ces dernières semaines, les ambassadeurs des grandes puissances à Constantinople ont élaboré une espèce de charte à octroyer à la Crète. Dès lors, — la paix étant d’ailleurs signée entre la Porte et la Grèce, — aucune objection sérieuse, aucun prétexte même ne pouvait plus s’opposer au choix du gouverneur. C’est à ce moment que la Russie a prononcé le nom du prince Georges.
a produit au premier abord quelque surprise. Comment, en effet, aurait-on pu prévoir que l’aventure dans laquelle la Grèce s’était si étourdiment lancée, et qui avait si mal tourné, aurait finalement pour elle une aussi heureuse conclusion ? Certes, l’événement était inattendu. Si, toutefois, il était possible de le réaliser, ce n’était pas à la France de s’y opposer. Ce n’était pas non plus à l’Angleterre. L’Angleterre, au cours de toutes les complications orientales, n’a pas cessé, comme nous-mêmes, de manifester ses sympathies à la Grèce, et si, toujours comme nous, elle a dû se résigner à ce que ces sympathies restassent platoniques, c’est qu’elle plaçait au-dessus de tout la nécessité de maintenir le concert européen. Mais ses sentimens n’en étaient pas modifiés. À Paris et à Londres le nom du prince Georges sonnait donc agréablement aux oreilles : peut-être devait-il éveiller