quelques appréhensions dans les esprits. Serait-il adopté aussi volontiers par les autres puissances ? On devait prévoir qu’une au moins d’entre elles s’y opposerait énergiquement ; nous voulons parler de la Porte ; et, en effet, des objections graves sont venues d’Yldiz Kiosk. Peut-être y avait-il moyen de les vaincre. Le Sultan, quelles que soient ses préférences ou ses répugnances personnelles, s’est toujours montré fort sensible aux conseils de l’Europe, lorsque l’Europe est vraiment unie, que tous les cabinets tiennent le même langage, qu’aucune note discordante ne perce dans le concert. Mais si cette union parfaite n’existe pas, et si même, à travers l’apparente harmonie des instrumens, on peut distinguer des tendances divergentes, la docilité du Sultan devient hypothétique, pour ne rien dire de plus. Où en sommes-nous aujourd’hui, à tous ces points de vue ? L’hostilité naturelle du Sultan contre la candidature du prince Georges s’est manifestée tout de suite : en a-t-il été de même de l’union de l’Europe ?
Le même jour, lord Salisbury et M. de Bulow parlaient à Londres et à Berlin, où ils tenaient, nous l’avons dit, un langage très différent. Il n’est pas dans la nature du premier de s’échauffer facilement, et, même lorsqu’il se montre favorable à une solution, il aime à en parler avec quelque détachement personnel. Il reconnaît, — mieux vaut tard que jamais, — la nécessité, l’urgence même de donner un gouvernement et un gouverneur à la Crète. Pourquoi pas le prince Georges ? Faute de mieux, lord Salisbury veut bien accueillir cette candidature. Il pourrait, d’après lui, y en avoir de meilleures, et le prince Georges n’est pas à ses yeux « le candidat idéal ». Vaille que vaille, il acceptera pourtant celui-là, puisque enfin il en faut un, et qu’on pourrait plus mal tomber. C’est dans cette mesure, assurément discrète, que lord Salisbury s’est rallié à la candidature hellénique. On devait s’attendre, d’après cela, à ce qu’il ne fit rien pour l’empêcher de réussir ; mais on aurait eu tort de compter de sa part sur un concours énergique et confiant.
Passons à M. de Bulow. De quelque façon qu’on tourne et qu’on retourne son discours, il est impossible de ne pas y voir une condamnation définitive de la candidature du prince Georges. Et cela ne surprendra personne. Dès l’origine, l’Allemagne s’est montrée défavorable à la Grèce dans les dernières complications de l’Orient, et cela pour beaucoup de raisons, que M. de Bulow ne résiste pas à la tentation d’énumérer encore. Dans le nombre, le regret amer, le mécontentement grondeur du créancier qui a vu diminuer sa rente tiennent une place