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dès les premières années. Mais il était réservé à Fustel de Coulanges de donner à ce courant une puissance inattendue, et d’en révéler les effets par rapport à l’histoire de la vie antique.

Fustel de Coulanges partit pour Athènes en 1853. Il en revint en 1855 et alla, en homme de devoir simple et modeste, faire la classe de seconde au lycée d’Amiens. Or, trois ans après, en même temps que la commission de l’Institut déclarait excellent son Mémoire sur l’île de Chio, dans le rapport de 1858, la Faculté des lettres de Paris lui conférait le grade de docteur pour ses deux thèses, l’une sur l’historien Polybe, l’autre sur le culte de Vesta dans ses rapports avec les institutions privées et publiques des anciens. Cette dernière, on va le rappeler, devait, en s’agrandissant, avoir de brillantes destinées. Ce qui nous importe, c’est de montrer que, sous ses deux formes, d’abord de thèse, puis de livre, La Cité antique est un fruit de l’Ecole d’Athènes. En effet, ce n’est pas en corrigeant des vers latins et des narrations, qu’il aurait eu le temps de réunir, à Amiens, la masse énorme de textes sur laquelle repose la monographie relative à Vesta, si courte et pourtant si prodigieusement riche et pleine. L’idée de cet ouvrage était née en Grèce, sous l’influence de la terre hellénique ; c’est en Grèce qu’avaient été cherchés, rapprochés, interprétés, soudés, fondus ces vers épars, ces vieilles formules, ces mots caractéristiques qui sont les matériaux d’une histoire religieuse antéhistorique. Mais, puisque la thèse sur Vesta vient de l’Ecole d’Athènes, quoiqu’elle ait été rédigée et imprimée à Amiens de 1855 à 1858, La Cité antique a la même origine. En effet, la seconde a trop fait oublier la première. Je viens de les comparer encore : toute cette mythologie religieuse de Vesta, du feu sacré, du foyer de la famille, puis du γένος (genos) ou de la gens, puis de la cité, a passé entièrement de la thèse dans le grand livre qui la développa de 1858 à 1865. Les additions qu’offre celui-ci sur les révolutions qui détruisirent la vie municipale sont des chapitres historiques ; la partie originale, neuve, hardie, reconstituée par une sorte de génie érudit et intuitif à la fois, est déjà tout entière dans la brochure du jeune docteur. La Cité antique en est à sa treizième édition aujourd’hui, dit l’heureux libraire ; je dis, moi, qu’elle en a eu quatorze, car Vesta fut la première.

Puisque cette identité de fond dans les deux ouvrages n’a pas été, que je sache, signalée, elle sera sans doute contestée : je dois le prévoir. Or, elle apparaît manifestement dès que l’on fait