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NOS DEVANCIERS EN TUNISIE

L’Afrique est un immense réservoir d’hommes et de richesses ; mais elle a gardé son secret pendant des milliers d’années. Des dieux jaloux semblaient en défendre les bords et prendre plaisir à perdre les conquérans dans un dédale d’obstacles naturels. La véritable divinité africaine, c’est une Isis voilée.

De nos jours, Isis a parlé ; nous comprenons mieux les causes de ce long silence.

« Tandis que la plupart des grands continens se sont constitués autour d’une arête ou d’une échine centrale… en Afrique l’arête, au lieu de s’élever au centre comme le faîte d’un toit, entoure le continent comme une ceinture, cernant un plateau intérieur, immense et isolé[1]. »

L’Afrique du nord, tout illuminée qu’elle paraît par les reflets de l’Europe" et baignée dans l’azur éclatant de la Méditerranée, a cependant la même physionomie revêche. Depuis l’extrémité du Maroc jusqu’au massif de Kroumirie, l’Atlas forme une muraille presque continue ; et si les rives de l’ancienne Libye sont moins escarpées, elles ne sont guère plus hospitalières.

Toutefois, l’antiquité la plus vénérable avait déchiré le voile en deux endroits, ouvert deux brèches inégalement profondes dans cette massive charpente : on Égypte, d’abord, le long de cette étroite vallée à laquelle les eaux du Nil prêtent, entre des bornes immuables, un éternel rajeunissement ; — puis, dans l’angle formé

  1. G. Hanotaux, le Partage de l’Afrique.