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les sels de fer introduits dans le sang raffermissent aussitôt la résistance du globule et relèvent son isotonie.

C’est ici, maintenant, l’apogée de la doctrine. La cause initiale de la maladie est dévoilée et localisée avec une grande précision ; la plupart des symptômes sont expliqués ; l’efficacité du remède est rendue intelligible. On voit que le fer s’adresse au globule rouge du sang, et qu’il y pénètre à titre de matière constituante. S’il guérit l’anémie et la chlorose ce ne peut être que parce qu’il relève la vitalité de cet élément, et lui permet de croître, de multiplier, et de se charger de cette teinture d’hémoglobine ferrugineuse qui est le véritable support de sa fonction. L’idée vague que les vieux médecins se formaient de l’action bienfaisante des ferrugineux est maintenant précisée. On croit comprendre la raison de l’enthousiasme de Boerhaave, s’écriant : In ferra est aliquid divinum ; on croit savoir en quoi, plus tard, le chimiste Fourcroy était fondé à décorer le fer du nom de « remède héroïque » ; pourquoi Cruveilhier avait raison de l’appeler « un médicament précieux, ami de nos organes » ; et comment enfin Liebig pouvait déclarer que « s’il était exclu de nos alimens, la vie serait impossible ».

Mais cette doctrine de la médecine contemporaine relativement au rôle du fer dans la santé et dans la maladie, au moment où, dans sa marche progressive, elle atteignait le point culminant, laissait déjà apercevoir des signes de faiblesse et de décadence. La chimie et la physiologie, dont les premières découvertes en avaient créé les fondemens, allaient, par des découvertes nouvelles, l’ébranler et la menacer de ruine.


On a dit que les médecins les plus sceptiques, ceux qui mettent en doute l’efficacité de tous les autres remèdes, croient à celle du fer et n’hésitent pas à abandonner, en sa faveur, cette règle de conduite, l’expectation, qui réduit en définitive la médecine à la simple « contemplation de la maladie ». Ce n’est pourtant pas sans réserves que les maîtres de l’art ont affirmé la vertu curative du fer dans l’anémie et la chlorose. A lui seul, il conduit rarement à une guérison parfaite. On lui associe presque toujours d’autres agens thérapeutiques ou hygiéniques dont le concours n’est pas indifférent, tels que les amers, les toniques stimulans, le quinquina, les lotions froides, l’hydrothérapie, les cures balnéaires, l’air des montagnes ou de la mer. Chez les pauvres