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de Mendelssohn, de celui que Gœthe avait appelé le maître puissant et doux ! À Berlioz lui-même, le grand méconnu, cette salle ne fut pas toujours inhospitalière. En 1839, le maître y dirigeait en personne trois exécutions de Roméo et Juliette. Dix ans plus tard, il y put entendre pour la première fois les fragmens peut-être les plus admirables de son admirable Damnation de Faust. En 1863, le duo-nocturne de Béatrice et Bénédict, chanté par Mmes Viardot et Van den Heuvel-Duprez, fut bissé d’enthousiasme. Vainement, pendant soixante-dix années, on chercherait un grand nom que la Société des Concerts ait proscrit. Si quelque abonné venait à s’effaroucher ; si, comme en 1861 encore, il se trouvait un correspondant pour protester, par lettre anonyme à Deldevez, contre Mendelssohn, « un très savant homme assommant », la Société laissait dire et continuait de bien faire. Sans se hâter, sans se tromper non plus, elle prenait peu à peu sous sa garde, glorieuse et fidèle, tout ce qui méritait d’être gardé ainsi. Elle demeurait une école et devenait un musée. Schumann y fut admis après Mendelssohn, et les âpres maléfices de Manfred ne firent jamais trouver moins doux les enchantemens du Songe d’une nuit d’été. Si Wagner attendit plus longtemps et si, maintenant encore, il ne reçoit au Conservatoire que de rares honneurs, c’est que les maîtres du théâtre, même les plus grands, ne sont pas les maîtres d’une maison qui pourrait prendre pour devise le mot d’une sainte du moyen âge : Symphonialis est anima. L’anonyme que nous citions plus haut, et qui ne se trompait pas toujours, écrivait à Deldevez encore, après la chute de Tannhäuser à l’Opéra : « Si la Société des Concerts avait l’esprit impartial et le cœur charitable, elle devrait, pour réparation due au malheureux Wagner, jouer la marche des Pèlerins. » La Société la joua du moins en 1868, et depuis, inscrits sur les programmes de ces dernières années, Lohengrin, les Maîtres Chanteurs et Parsifal attestent que, pour avoir été tardive, la réparation ne fut point avare.

À l’honneur de cet orchestre et de cette salle, il faudrait rappeler encore deux récentes et magnifiques restitutions : celle de la messe en ré de Beethoven et celle de la messe en si mineur de Bach. Mais en achevant le résumé d’une histoire qui fut, plus qu’on ne l’a dit souvent, conforme à celle de la musique même, nous remercierons la Société des Concerts d’avoir été la première à faire sienne et nôtre la troisième symphonie de M. Saint-Saëns, la plus belle peut-être des symphonies contemporaines, et à coup sûr des symphonies françaises. Si belle, que ni le titre, ni le ton, redoutable pourtant, d’ut mineur ne l’ont écrasée ; si belle, que du cher et vieil édifice où nous