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qui soit susceptible de nourrir jamais une population dense.

Cette région ne se distingue pas de colle des forêts, comme celle-ci se différencie des toundras par un changement bien net dans l’aspect du paysage, si ce n’est à l’ouest où le passage de l’une à l’autre est accompagné de la substitution du bouleau au pin dans les bois ; mais en Sibérie centrale, où bien peu de points encore ont été défrichés, les grands arbres verts, pins, sapins et mélèzes, couvrent presque tout le pays jusqu’aux montagnes de la frontière méridionale. Ce qui caractérise la zone cultivable, c’est que le climat est assez doux pour permettre aux céréales de mûrir. L’été y est notablement plus long et la température de la « période de végétation » y est plus élevée. C’est ce dernier facteur, la moyenne des lectures du thermomètre pendant les cinq mois de mai à septembre, qui est le plus important au point de vue agricole dans les pays du nord : tant que le grain reste en terre sous la neige, peu importe le degré qu’atteint le froid, mais, une fois la neige fondue, il faut que la plante reçoive une quantité de chaleur suffisante, pendant un temps assez long, afin qu’elle puisse se développer ; il faut que les gelées d’automne n’arrivent pas avant que l’épi soit mûr. A Nertchinsk, en Transbaïkalie, l’hiver est plus froid de 4 degrés qu’à Beriozov sur l’Obi, et cependant les céréales mûrissent aux environs de la première de ces villes, alors que la seconde n’est entourée que de toundras désolées : c’est que, de mai à septembre, la température moyenne est de 13°, 5 à Nertchinsk et de 9° seulement à Beriozov ; durant le mois le plus chaud, la différence à l’avantage de la première de ces stations retombe à un degré. C’est donc le manque de durée, plus encore que le défaut d’intensité de la chaleur ou l’excès du froid, qui est le principal obstacle à la culture dans les contrées septentrionales.

Pour que les céréales, même les moins délicates, puissent arriver à maturité, il faut que la moyenne de la période végétative soit supérieure à 12° centigrades : la limite de la zone où cette température se trouve atteinte n’est pas une ligne exactement parallèle à l’équateur, elle incline fortement vers le sud-est ; car, à égalité de latitude, le froid, dans l’ancien monde, augmente lorsqu’on s’avance vers l’orient. La frontière des cultures, qui se trouve bien au-dessus du 60e degré sur les côtes de la mer Baltique, atteint à peine le 58e en Sibérie occidentale ; le 57° sur l’Iénisséi ; le 55e au-delà du Baïkal ; elle continue à s’abaisser dans