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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/339

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le bassin de l’Amour et, en arrivant sur la côte du Pacifique, elle laisse au nord Nikolaïevsk à la même latitude que Hambourg, 54 degrés. Si mince qu’elle soit en bien des endroits, resserrée à l’ouest entre les steppes et les montagnes d’une part, la zone exclusivement forestière de l’autre, plaquée à l’est contre la frontière chinoise, la région agricole de la Sibérie n’en couvre pas moins encore une étendue quintuple de celle de la France, égale à la moitié de la partie de la Russie d’Europe qui a aussi ses zones glacées et stériles. Elle offrira longtemps encore un excellent terrain à l’émigration russe.


II

Lorsque, après avoir franchi, dans de jolis vallons boisés, les chaînes de collines s’élevant sur les gradins successifs d’un plateau, qu’on appelle les monts Oural, on se retrouve à Tchéliabinsk dans la grande plaine, on a peine à croire que l’on a parcouru depuis Moscou deux mille kilomètres de chemin de fer, tant le paysage qu’on a devant les yeux ressemble à celui de la Russie du centre, des gouvernemens de Toula ou de Riazan. Au milieu d’espaces découverts et herbus, semés de boqueteaux de bouleaux d’une verdure délicate, on aperçoit de loin en loin la tache grise d’un village aux maisons de bois, entouré de quelques champs.

La seule différence avec la Russie centrale, c’est que le bouleau domine ici d’une manière tout à fait exclusive, — de l’Oural à l’Obi, pendant quatre cents lieues, je n’ai pas vu d’autre arbre ; — c’est aussi que les fleurs sauvages, au milieu desquelles se distingue le Kaborski tchtai, aux longues fusées roses ressemblant à la digitale, cher aux contrefacteurs de thé, sont particulièrement nombreuses et belles ; c’est enfin et surtout que les lieux habités et les cultures sont plus rares. Néanmoins, sur une terre si semblable à la terre russe, on ne s’étonne pas que l’homme russe s’établisse volontiers : l’hiver est un peu plus long et plus froid, l’été un peu plus chaud, les moustiques sont beaucoup plus nombreux, mais le sol est moins occupé et le paysan n’y est plus resserré dans les quelques hectares qu’on a alloués à son père lors de l’abolition du servage et qu’il lui a fallu partager avec ses frères. Si l’on rencontre si peu de villages en suivant le premier tronçon du Transsibérien,