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elle reste toujours supérieure aux deux tiers et, dans l’ensemble, dépasse les neuf dixièmes : des cinq millions de personnes qui vivent sur cette longue bande de terre, plus de quatre millions et demi sont d’origine européenne[1]. Cependant les indigènes, de race mongole ou turque, fort supérieurs aux pauvres tribus de chasseurs et de pêcheurs qui errent dans les zones septentrionales, ne diminuent pas en nombre, mais continuent à s’accroître, quoique moins rapidement que les Russes, que vient renforcer chaque jour une abondante immigration. Entre les deux élémens, les relations sont excellentes : le préjugé de couleur, qui est si intense chez les Anglo-Saxons, qui se développe si vite chez tous les Occidentaux, dès qu’ils font un séjour prolongé dans des pays habités par des hommes d’autre race, ce préjugé ou ce sentiment, de quelque nom qu’on veuille l’appeler, n’existe à aucun degré chez les Russes, peut-être parce qu’ils sont eux-mêmes plus proches des Orientaux et parce qu’ils ont toujours été habitués à leur contact. La question de religion, qui est assurément un obstacle à la fusion des immigrés et des indigènes, n’en est pas un à leurs bons rapports.

Le peuple russe — nous ne disons pas le gouvernement — est essentiellement tolérant ; il tient à sa foi, mais il admet que

  1. Le tableau ci-dessous indique, d’après des données officielles (recensement du 28 janvier 1897), la superficie et la population totale des neuf provinces sibériennes. On y a joint l’évaluation de la population indigène et celle de la superficie de la zone agricole, déduites des renseignemens contenus dans l’ouvrage : The industries of Russia. Vol. V. Siberia and the Great Siberian Railway, publié sous les auspices du gouvernement russe à l’occasion de l’Exposition de Chicago, dans l’Annuaire commercial et industriel de la Sibérie pour 1897, édité à Tomsk, et autres publications géographiques. En ce qui concerne l’étendue de la zone cultivable, qui ne saurait évidemment être appréciée d’une manière bien exacte, nous y avons englobé toutes les régions où la température moyenne de la période de végétation est supérieure à +12° ; il va sans dire qu’il s’y trouve, comme en maint autre pays, des espaces que la nature du sol ou parfois, dans l’Ouest, l’insuffisance des pluies rend stériles.
    Superficie en kilomètres carrés Population totale. Indigènes et immigrés asiatiques Superficie de la zone agricole
    Tobolsk 1 387 000 1 438 655 « «
    Tomsk 848 000 1 917 527 180 000 700 000
    Iénisséi 2 542 000 567 807 45 000 «
    Irkoutsk 726 000 501 237 100 000 500 000
    Iakoutsk 3 970 000 283 954 250 000 «
    Transbaïkalie 594 000 669 721 200 000 36 0000
    Amour 447 000 112 396 18 000 270 000
    Littoral 214 940
    Ile de Sakhalin 1 921 000 25 495 70 000 300 000