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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/395

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réussissons à en faire capturer 9 : 5 proviennent de Charleroi et 4 de Mons. Un les remet du reste en liberté. Cette constatation nous permet toutefois de supposer que les 32 pigeons rentrés à Orléans ont tous été égarés au lâcher du matin. Le lendemain matin de 5 à 7 heures, ceux-ci disparaissent tous les uns après les autres dans la direction du nord : une trentaine de rentrées tardives seront constatées le même jour à Charleroi et à Mons.

Ces allées et venues s’expliquent tout naturellement par la loi du contre-pied. Nos voyageurs ailés, formant un groupe unique au départ d’Orléans, n’ont pas tardé sans doute à se fractionner en plusieurs bandes : nous avons fait observer qu’ils avaient dû, pour rentrer, lutter contre le mauvais temps. Or les pigeons voyageurs ne sont pas tous, à cet égard, armés des mêmes moyens : le pigeon de petite taille, dit de race liégeoise, vole avec une vitesse extraordinaire par un temps normal. Le pigeon très étoffé, de race anversoise, doué d’une puissance musculaire considérable, ne peut cependant rivaliser avec le liégeois par le beau temps, mais il peut par exemple lutter contre un vent violent. Il est donc assez naturel que, doués de moyens très différens, nos pigeons partis ensemble se soient peu à peu échelonnés sur la route. Un pigeon de Mons s’étant trouvé au milieu d’une bande de compagnons filant sur Charleroi a suivi ceux-ci jusqu’à leur destination ; puis, les ayant vus se disperser pour regagner chacun sa demeure, il est resté seul, égaré sur les toits d’une ville inconnue. Or Mons n’est pas loin de Charleroi ; il suffisait à notre voyageur de s’élever dans les airs pour apercevoir peut-être le toit natal. Il ne le fait pas : ayant, au cours des voyages précédens, contracté l’habitude de se servir uniquement du sens de direction pour l’orientation lointaine, il ne songe pas un instant à utiliser sa vue. Reprenant en sens inverse le chemin suivi pour venir à Charleroi, il arrive à Orléans, au point où il a été mis en liberté le matin même. Fatigué par le long parcours accompli dans la journée, il se repose une nuit. Le lendemain, il s’oriente, retrouve enfin le contre-pied du chemin effectué l’avant-veille en chemin de fer et regagne Mons. Les 32 pigeons qui reparaissent à Orléans, le soir du lâcher, pour disparaître le lendemain ont très vraisemblablement tenu une conduite analogue.

L’exemple que nous venons de citer est assurément intéressant. Nous nous sommes fondés sur des faits, puis, quand les faits nous ont manqué, sur de simples conjectures pour expliquer les allées