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amans s’habillaient à la mode de Louis XIII, ils n’auraient pas d’autre nom que Marion de Lorme et Didier. Leur historiographe les a enveloppés de cette atmosphère fatale, où ne peuvent germer que les passions surhumaines de gens qui ont beaucoup lu les poèmes de lord Byron, et lui-même professe des théories sociales qui n’annoncent pas précisément la conclusion de l’Homme femme ou la dernière scène de la Femme de Claude : « J’ai, dit-il, une indulgence inépuisable pour les courtisanes, et je ne me donne même pas la peine de discuter cette indulgence… Ne méprisons pas celle qui n’est ni mère, ni sœur, ni fille, ni épouse. Ne réduisons pas l’estime à la famille, l’indulgence à l’égoïsme… Pourquoi nous ferions-nous plus rigides que le Christ ? » D’ailleurs, « pour la femme à qui l’éducation n’a pas enseigné le bien, Dieu ouvre presque toujours deux sentiers qui l’y ramènent ; ces sentiers sont la douleur et l’amour. » Nous sommes là dans la pure doctrine de l’amour grand réparateur des virginités mises à mal. Évidemment, l’écrivain a bien déjà la notion vague des périls que comporte la généralisation d’une pareille thèse, puisqu’il se défend énergiquement de toute « apologie du vice et de la prostitution, » et qu’il insiste en terminant sur la nature très exceptionnelle de son héroïne. On ne saurait nier pourtant qu’il ait composé, en 1848, le récit de la Dame aux Camélias sous l’empire d’une sympathie romantique peu dissimulée à l’adresse de la femme tombée ; et si l’on voulait se rendre mieux compte encore de cette sympathie, on n’aurait qu’à rapprocher les sentimens qu’il exprime dans sa version primitive de la vingt-quatrième année, et ceux qu’il affichera plus tard, en 1867, dans la préface de la pièce.

L’épisode de Diane de Lys, d’abord sous la forme de la nouvelle qui porte ce titre, puis sous les espèces de la Dame aux Perles, puis enfin sous celles du drame par où l’auteur débuta au Gymnase, est gros de révélations encore plus significatives sur les modifications qui s’accomplissaient rapidement en son esprit à cette époque de sa carrière. Le personnage féminin qui se nomma successivement la marquise Diane de Lys, la duchesse Annette, la comtesse Diane de Lys, l’a certainement préoccupé avec une persistance particulière, puisqu’il y trouva un sujet d’inspiration suffisante pour deux mauvais poèmes élégiaques, pour deux romans passables, et pour une pièce de théâtre au moins digne d’attention. Mais le côté le plus notable de cette