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Les dernières négociations diplomatiques se sont faites autour d’un emprunt. Ce n’est pas le premier que fait la Chine depuis quelques années, et naturellement ce ne pouvait pas être le plus sérieusement gagé et garanti. On devait prévoir que, sous son couvert, se cacheraient des intérêts politiques encore plus que des intérêts financiers. Si le gouvernement de Pékin avait été bien inspiré, il aurait senti que, précisément pour ce motif, son intérêt était de s’adresser au plus grand nombre de puissances possible : la surveillance qu’elles exercent les unes sur les autres les aurait mutuellement modérées dans leurs prétentions, et la Chine aurait eu au meilleur compte les 400 nouveaux millions dont elle avait besoin. Mais les choses ne se sont point passées ainsi. Le Tsong-li-yamen a hésité longtemps entre les divers groupes de puissances. Il s’était adressé autrefois à celui de ces groupes qui, pour les affaires d’Extrême-Orient, est plus particulièrement représenté par la Russie ; il s’est adressé aujourd’hui à celui qui est représenté par l’Angleterre. L’affaire a traversé des phases diverses. On a cru un jour que ce serait le gouvernement anglais lui-même qui prêterait 400 millions à la Chine : il y aurait eu emprunt direct de gouvernement à gouvernement. Nous avons signalé alors l’imprudence que commettrait le gouvernement chinois s’il se mettait d’une manière aussi exclusive entre les mains anglaises. L’Angleterre ne donne rien pour rien. C’est à ce moment qu’elle a demandé la libre ouverture au commerce européen du port de Ta-lien-Wan. Ce qui s’est passé depuis est resté assez obscur. Finalement, la combinaison d’un prêt direct que le gouvernement britannique aurait fait au gouvernement chinois a été abandonnée, et l’on s’est trouvé en présence d’un emprunt fait par la Chine à deux banques privées. Mais, comme l’une de ces banques était anglaise et l’autre allemande, l’entente financière de Londres et de Berlin s’est manifestée pour la première fois avec éclat. Il y a eu là un succès incontestable pour la politique de lord Salisbury. L’emprunt a eu, en effet, un caractère très particulier, et peut-être sans précédent dans l’histoire politico-financière. Quoique conclu avec des banques privées, il a entraîné les mêmes conséquences que s’il avait été réalisé de gouvernement à gouvernement. L’Angleterre, bien qu’elle ne soit pas personnellement engagée, s’est assuré des avantages aussi considérables que si elle l’avait fait. On cherche en vain comment elle aurait pu en obtenir de supérieurs. Nous ne savons pas ce que l’Allemagne a réussi à se faire octroyer ou promettre ; mais, certes, le lot de l’Angleterre est des plus appréciables. La Chine doit confier la direction de ses douanes à un