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universités, l’établissement de conseils d’arbitrage et de conciliation, la réforme financière, en un mot tout ce qui constituait à cette époque le programme des radicaux. Il est inutile de dire que le mot radical n’a pas dans la langue parlementaire anglaise le même sens que dans la nôtre. La suppression du privilège de l’Eglise d’Irlande et la neutralité de l’école n’étaient dans l’esprit de Mundella que la conséquence logique du bill d’émancipation des catholiques et des mesures d’apaisement et de justice que M. Gladstone réclamait en faveur de l’Irlande. Il était profondément loyalist et servait le gouvernement de la reine sans arrière-pensée et avec le plus entier dévouement. Il comprenait que les grandes réformes ne peuvent être réalisées que par une autorité incontestée et que sans elle l’organisation corporative anglaise, établie sur l’équilibre des intérêts, dégénérerait bien vite en anarchie et en guerre sociale. Son radicalisme consistait surtout dans le dédain que professent en général les hommes d’action pour le jeu du parlementarisme libéral et par une tendance parfois excessive à faire intervenir l’Etat pour briser les résistances de la routine et de l’intérêt privé. Par son éducation, il avait échappé à l’influence des écoles et à la tyrannie des formules apprises et c’est ce qui explique son éclectisme dans les questions sociales. Malgré son admiration pour l’école de Manchester, il n’hésitait pas à proclamer la nécessité de l’intervention de l’Etat en matière d’enseignement et de réglementation du travail et à réclamer une organisation légale des Trade-Unions. Soit qu’il partageât sur ce point les préjugés des ouvriers au milieu desquels il avait vécu, soit qu’il eût reconnu que l’initiative privée ne pouvait résoudre sans le concours de la loi les problèmes contemporains, il n’hésita pas à se séparer de ses plus anciens amis, partisans déterminés du Help yourself. Dans ces questions, il suivait sa propre impulsion se guidant avec une sorte d’instinct religieux sur ce qu’il croyait être son devoir. C’est surtout par ce singulier mélange de jacobinisme et de mysticisme qu’il se rapproche du type de ces ouvriers anglais si admirablement décrits dans les ouvrages de lord Beaconsfield et de M. le Comte de Paris.

Au moment même où Mundella entrait à la Chambre des communes, l’existence des Trade-Unions se trouvait remise en question. Le gouvernement, à la demande du comité central et sous la pression de l’opinion publique, venait d’ordonner une enquête extra-parlementaire pour voir s’il y avait lieu de réviser la