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à elles, je pouvais m’occuper des questions que j’ai étudiées toute ma vie, et j’entrevoyais la possibilité d’atteindre enfin le but en vue duquel j’ai travaillé si longtemps et si dur. Laisser inachevée la tâche à laquelle on s’était consacré tout entier, est un sacrifice dont il est difficile d’exagérer l’amertume, mais maintenant qu’il est accompli, la Chambre me permettra de dire qu’au milieu de mes regrets, je goûte encore certaines consolations. Mes collègues ne seront plus attaqués à cause de moi, et aucun soupçon ne peut plus planer sur mon administration. Redevenu libre… je continuerai à lutter pour les mêmes causes, et à défendre les principes qui ont dirigé toute ma carrière. Fort de la conscience de mon droit, mon esprit se repose dans la ferme assurance que lorsqu’on connaîtra la vérité, tous sauront comme je le sais et comme je me sens en droit de l’affirmer, que pendant toute ma vie, je n’ai rien dû qu’à mon propre travail, et que j’ai toujours su préserver mon nom de toute tache et de tout déshonneur. »

Cette fière déclaration fut accueillie par des marques unanimes de sympathie, toute la Chambre sans acception de parti voulant témoigner son respect pour un homme qui avait rendu tant de services ; ses adversaires politiques n’hésitèrent pas à lui rendre pleine justice.


Ces événemens attristèrent la vieillesse de Mundella : en 1890, il avait eu le malheur de perdre sa femme et il s’était senti atteint dans le plus profond de son être. Sa sensibilité excessive et sa santé affaiblie par tant d’épreuves lui rendaient plus nécessaire encore cette douce intimité de la famille qui avait été la joie et le charme de sa vie. Il eut d’ailleurs la consolation de retrouver dans ses deux filles des natures d’élite dont l’affection et les soins ne lui firent jamais défaut et qui entourèrent ses dernières années du plus tendre et du plus infatigable dévouement.

Aux élections de 1895, les conservateurs, très nombreux à Sheffield, où un tiers de la représentation appartient à la nuance tory, décidèrent qu’ils ne lui opposeraient pas de concurrent et il fut réélu à l’unanimité. Ce simple fait prouve mieux qu’un long commentaire l’estime et la confiance qu’il avait su inspirer même à ses adversaires.

Il continuait à prendre une part active aux travaux du Parlement et se faisait un devoir d’assister aux séances. Il appuya de