Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/614

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Trade-Unions. Rien de plus instructif que les procès-verbaux de cette enquête où se trouvent les détails les plus minutieux sur le fonctionnement des tarifs à échelle mobile (sliding scale) usités dans les houillères et l’élaboration de ces tarifs à la pièce, qui ont nécessité la création d’un corps d’experts spéciaux connus sous le nom de Cottonmen. Mais ce qui est surtout remarquable, c’est l’apaisement qui s’est produit dans le monde du travail et le ton de cordiale estime avec lequel patrons et ouvriers discutent aujourd’hui ces questions. Cette enquête fut un véritable triomphe pour Mundella ; tous les déposans lui apportaient leur tribut d’admiration, et, en le regardant assis auprès de son vieil ami, lord Roseberry, alors marquis de Hartington, qui présidait cette section, je m’imaginais facilement les sentimens de légitime fierté et de joie intense qui devaient remplir son cœur. C’était vraiment le couronnement et la récompense de sa glorieuse carrière.

Jusqu’à la fin, Mundella avait conservé l’apparence de la vigueur ; sa longue barbe blanche encadrait harmonieusement des traits énergiques et réguliers. Sa haute taille et la distinction innée de ses manières fixaient irrésistiblement l’attention. M. C. W. Russell, fils de lord Charles Russell et ancien secrétaire d’Etat pour les Indes en 1892, a tracé de lui dans le Manchester Guardian un portrait auquel nous empruntons quelques lignes : « C’était, dit-il, le cœur le plus tendre, l’homme le plus naturellement aimable et affectueux que j’aie connu. Je n’ai jamais entendu sortir de sa bouche ni un sarcasme, ni une remarque amère ou désobligeante. Il était… surtout l’ami des pauvres et des malheureux. Il restait inébranlablement fidèle à ses vieilles amitiés… et se montrait très cordial pour les étrangers. Son sang italien lui donnait un entrain, une aisance, un empressement qui formaient avec la froideur et la réserve des Anglais un contraste frappant. Suivant l’expression de George Eliot, le sang chez lui avait été plus fort que la pâture (pasture) et Anthony Mundella portait en tout son être la marque indélébile de son origine italienne. Il aimait le soleil, il aimait les riches colorations des paysages du Midi et il semblait puiser une vie nouvelle sous le ciel bleu de l’Italie… Sa maison était remplie de splendides spécimens de l’art italien, peintures, sculptures, broderies, etc. Il conservait dans sa riche demeure avec un culte religieux les reliques de ses jours de misère… Sa foi indestructible dans la liberté et le progrès, son enthousiasme