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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/645

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sentence, il ne visait que la femme adultère ; si, au lieu de toujours obéir aux seules impulsions de son imagination et de sa sensibilité, il avait possédé quelque faculté de raisonnement et quelques élémens de logique, il n’aurait pas eu de peine à comprendre que son axiome s’appliquait aussi bien à la jeune fille qui prend un amant qu’à la femme qui trompe son mari ; il aurait peut-être alors moins pleuré, il se serait moins apitoyé sur quelques-unes de ses héroïnes les plus sympathiques, et il ne serait pas arrivé à presque réhabiliter devant l’opinion leurs écarts de conduite. Et, par la même occasion, il aurait pu méditer avec fruit une autre vérité très sage, qui, comme la précédente, porte sa signature : « Les institutions humaines, disait-il, ne tombent jamais sous les efforts de ceux qui les attaquent, mais toujours sous les fautes de ceux qui avaient reçu mission de les défendre et qui avaient intérêt à les maintenir ». Changez deux mots à cette phrase ; au lieu de mettre « ceux qui avaient reçu mission », mettez « ceux qui s’étaient donné mission » ; et, sauf cette variante légère, vous ne trouverez jamais mieux pour servir d’épigraphe générale à une édition des œuvres complètes du célèbre écrivain.


VI

Un jour vint du reste où lui-même s’aperçut de son erreur, et où il comprit l’irrémédiable banqueroute de son apostolat.

Dès 1880, dans cette bizarre brochure intitulée : Les femmes qui votent et les femmes qui tuent, il semble que l’on pouvait déjà saisir la trace de certaines hésitations intellectuelles ; une tendance à revenir sur diverses affirmations ; l’apparence d’un doute sur la vérité absolue et intangible des doctrines constamment professées jusque-là. L’auteur reconnaissait, d’une part, que « la loi était logique » lorsqu’elle ignorait volontairement les unions irrégulières et leurs conséquences possibles ; il se demandait seulement, — et ceci était nouveau, — « si la logique a vraiment réponse à tout », et il penchait, non sans raison, à croire que nous sommes bien contraints à tenir compte « du tempérament, des caprices, de la passion, des circonstances », auxquels tout le monde plus ou moins obéit. D’autre part, après avoir passé sa vie à développer cette pensée que « l’émancipation de la femme par la femme est une des joyeusetés les plus hilarantes qui soient nées sous le soleil » ; après avoir déclaré que, « en dehors de