Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très grande extension dans la région du bas Rhône, où elle était très peu répandue. Cette extension est due à la facilité que donne le voisinage du Rhône pour combattre le phylloxéra par la submersion. Elle serait beaucoup plus considérable si l’avilissement du prix des vins n’avait découragé beaucoup de propriétaires. Le produit moyen du delta n’est pas moindre de un million d’hectolitres. Malgré les méventes et l’élévation des frais de premier établissement, la viticulture est encore la branche la plus lucrative de l’agriculture locale. Son introduction peut être considérée comme un grand bienfait pour le pays, car, outre les profits directs qu’elle laisse, elle est le point de départ des principales améliorations agricoles. Ainsi que je l’ai dit plus haut, les machines qui servent à élever les eaux de submersion en hiver sont utilisées en été pour les irrigations, qui se développent rapidement. L’initiative individuelle des propriétaires obtiendra ainsi petit à petit les résultats d’ensemble qu’il n’a pas encore été possible de demander à leur action collective. Et ce sera encore le Rhône qui, après avoir formé les terres de son delta, deviendra l’agent le plus actif de leur amélioration.


III

Le Rhône ne s’est pas borné à créer les territoires au milieu desquels il débouche à la mer et à les féconder. Il a ouvert la voie à la civilisation dans l’ancienne Gaule et, pendant de longs siècles, il a été l’instrument le plus actif des échanges entre notre pays et tout le bassin de la Méditerranée. Les services commerciaux qu’il rend encore de nos jours sont trop importans pour être passés sous silence. Nous en ferons le relevé, après avoir sommairement examiné les conditions de navigabilité du bas fleuve qui nous occupe plus particulièrement.

Ces conditions ont subi de nombreuses modifications depuis l’antiquité. Les trois bras secondaires, mais navigables, qui traversaient la Camargue se sont successivement atterris vers la fin du moyen âge. Dans la période moderne, la navigation a complètement abandonné le petit Rhône, dont le cours sinueux ne lui offrait pas assez de profondeur. Seul, le grand Rhône ou Rhône d’Arles a continué à être fréquenté par les navires de mer et par les bateaux de rivière. C’est cette partie du fleuve que l’on désigne sous le nom de Rhône maritime, par la double raison