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qu’il a conquis son lit et ses rives sur le domaine de la mer et qu’il est seul ouvert à la navigation maritime.

Le bras principal du fleuve était autrefois semé d’îles nombreuses et étendues qui, depuis, se sont presque toutes soudées à la Camargue ou à la terre ferme. Plusieurs domaines en ont retenu leurs noms, tels Filon des Canards, l’Ilon des Bécasses, le Veau, le Poivre, etc. Ces noms bizarres désignaient les redevances en nature que les tenanciers payaient à la ville d’Arles, propriétaire jusqu’en 1789 des alluvions du Rhône, en vertu des droits utiles de souveraineté qu’elle avait retenus lorsqu’elle était passée sous la domination des comtes de Provence et plus tard des rois de France. Les îles formées aux embouchures, aujourd’hui réunies à la terre ferme, tirent leur nom des navires naufragés qui ont formé le premier noyau de l’atterrissement ; île ou they de l’Annibal, du Périclès, de l’Eugène, etc.

Le tirant d’eau des bateaux qui naviguent sur un cours d’eau se règle nécessairement sur la plus faible profondeur de ce cours d’eau. Le minimum de profondeur du bas Rhône est à dix kilomètres en aval d’Arles, au seuil de Galiguan, point sur lequel le fleuve roule directement sur le diluvium de la Crau et où le tirant d’eau, par les eaux moyennes, est réduit à deux mètres. Et comme ce diluvium très dur n’a pas varié depuis l’origine des temps historiques, il est certain que les navires circulant entre Arles et la mer n’ont jamais pu caler plus de deux mètres. Dans ces dernières années, l’Etat a exécuté des travaux importans pour améliorer le cours du Rhône. Ces travaux consistent en digues submersibles qui canalisent le courant, lorsque les eaux sont basses, et le forcent à creuser le lit du fleuve. Ils ont donné de très bons résultats sur le cours supérieur du Rhône, mais en aval d’Arles ils n’ont produit et ne pouvaient produire d’autre effet que de rectifier le chenal, sans modifier le seuil de Galignan qui demeurera ce qu’il est tant qu’il n’aura pas été entamé par la mine. Du reste, l’approfondissement de ce passage n’a plus qu’un intérêt secondaire depuis que le terminus de la navigation fluviale a été reporté d’Arles à Port-Saint-Louis.

La longueur du principal bras du Rhône a varié avec l’emplacement de son embouchure. Au commencement de l’ère chrétienne, la bouche navigable était l’os Massalioticum située dans l’ouest de l’embouchure actuelle, à 30 milles ou 44 kilomètres d’Arles : Pline et Strabon en font foi. Vers le VIIIe siècle, le Rhône