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tombée, et si nul ne pouvait plus, en relevant les castes héréditaires, annuler l’œuvre sociale de la Révolution, l’œuvre politique et l’œuvre religieuse, accomplies sans la France, malgré la France, abdiquaient devant la monarchie traditionnelle. Mais cette monarchie, durant sa longue carrière, n’avait pas été plus semblable à elle-même que n’est le visage de l’homme en ses divers âges. Quelle figure de son passé rajeunirait-elle ? Allait-elle ressaisir le pouvoir trompeur et dévorant qui, à la veille de 1789, achevait de creuser sous elle le vide ? Ou, comme le pays qui, pour la restaurer, revenait en arrière, saurait-elle ressusciter les anciennes forces qu’elle avait trop détruites, et les jours de notre histoire où elle disciplinait la France sans l’asservir ? Tel était le problème en 1814, et la France de l’émigration allait le résoudre.

Il n’est pas vrai qu’elle n’eût rien oublié ni rien appris. Les princes, qui, légers de pensées comme de mœurs, avaient les premiers fui le devoir en désertant la France, la noblesse qui, à leur suite, prétendait vaincre en une campagne une révolte préparée par des siècles, le clergé de gentilshommes qui façonnaient l’Eglise à la mode de la cour, avaient trouvé dans leurs épreuves une leçon de vingt-trois ans. Ce clergé, reconquis par la dignité de son ministère, cette noblesse, désenchantée des mirages philosophiques, cette famille royale, où le deuil s’était changé en vertus, revenaient autres, comme si leur long exil les eût séparés des erreurs nouvelles et purifiés des erreurs anciennes.

A son retour, en effet, la royauté se proposait de réparer non seulement les maux du système révolutionnaire, mais les fautes que l’ancien régime avait commises contre ses meilleures traditions. Son premier acte fut de rétablir une vie publique au centre même de l’État ; elle renonça à lever les impôts et à faire les lois sans le concours de ceux qu’elle appelait encore ses sujets. Elle songeait à restaurer cette vie dans les provinces et dans les communes. Et elle se trouvait d’accord avec les plus perspicaces des anciens révolutionnaires. Avant même l’arrivée des Bourbons, dès ces premières et terribles heures où les souverains ennemis, Napoléon, les armées alliées et la nôtre restaient en présence, le gouvernement provisoire, comme la Prusse en un pareil désastre, chercha contre l’excès de ses angoisses et de ses humiliations un refuge, eut besoin de croire à une force capable de préparer un autre avenir, et songea à l’éducation. Le monopole de