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régimes les plus divers se succédaient mit au grand jour le mal intérieur : les gouvernemens glissaient sur l’âme passive de la France comme le navire sur les flots indifférens qui le portent et le laissent fuir. Sans doute, cette expérience aurait dû confirmer les Bourbons dans leur premier dessein : pour rétablir la stabilité dans l’Etat, il fallait fortifier dans chaque homme les énergies qui, formant la conscience et le caractère, soutiennent le devoir. Mais, entre les deux Restaurations, quelque chose était mort dans les princes : la confiance. A leur premier retour, fiers de reconnaître en ce miraculeux changement de leur fortune le triomphe d’une force morale, ils croyaient à l’efficacité des forces morales pour rétablir de même la fortune de la France. Ils revenaient de leur second exil, meurtris par cette soudaine fragilité de leur droit, humiliés de l’universel délaissement qui s’était fait autour d’eux, consciens que le prestige de leur origine était détruit, inquiets de trahisons futures. S’ils persévéraient à réduire les attributions de l’Etat pour accroître la vie nationale, ils risquaient, après s’être dépouillés, et avant que des énergies nouvelles eussent grandi pour la défense commune, d’être surpris par un coup de violence. Cette heure désarmée entre l’ancien ordre et l’ordre nouveau leur fit peur. Ils se bornèrent à vivre au jour le jour, et, contre des dangers que chaque jour pouvait amener, gardèrent à l’Etat toutes ses puissances.

Dès le 15 août 1815, tout projet de réforme dans l’éducation publique est ajourné « jusqu’à des circonstances plus heureuses ». Le concordat négocié entre le Pape et Louis XVIII, et qui enlève au roi, sauf le choix des évêques, toute autorité sur l’Eglise, semble maintenant téméraire : celui de 1801 et ses articles organiques paraissent plus sûrs. Le scrupule de laisser le nom de l’Empereur régner encore sur les relations de la royauté avec l’Eglise ne révolte plus ; on sait gré à l’usurpateur d’avoir fourni des ressources à la cause commune des couronnes. L’Eglise est une force trop grande pour que les États renoncent à se servir d’elle en la servant. Cette idée, mère du gallicanisme, a repris possession du gouvernement. La charte déclare le catholicisme religion de l’Etat[1]. Toute attaque contre cette religion est interdite[2]. Le divorce disparaît du Code français[3].

  1. Art. 6.
  2. Loi du 17 mai 1819, art. 1, 3, 6.
  3. Loi du 8 mai 1816.