avons déjà cité le nom ; peut-être aussi ne lui répugnait-il pas de succéder à son ami dans les bonnes grâces de la comédienne. Toujours est-il qu’il s’était lié avec elle : ils vivaient ensemble à l’hôtel de la Fautrière. Or, quand, au commencement de 1790, le Châtelet ordonna des poursuites contre Marat, c’est à cet hôtel de la Fautrière que l’Ami du Peuple vint se réfugier ; et lorsque les magistrats se présentèrent pour se saisir de sa personne, le district des Cordeliers s’insurgea, protestant contre cette soi-disant violation de la liberté ; même il délégua, pour porter ses doléances à l’Assemblée nationale, quatre commissaires choisis parmi les patriotes qui lui inspiraient le plus de confiance. C’étaient Paré, Danton, un moine cordelier nommé Oudolle, et le docteur Chévetel. Celui-ci avait, en somme, joué dans cette aventure le principal rôle, puisque, profitant de l’hésitation des magistrats et de l’effervescence de la rue, il avait aidé sa maîtresse, Mlle Fleury, à faire échapper l’inculpé, cause de cette bagarre. Quand, vers le soir, les portes de l’hôtel de la Fautrière s’ouvrirent enfin devant les huissiers du Châtelet, ceux-ci ne trouvèrent chez Marat que la demoiselle Victoire Nogait, sa femme de confiance. Ils durent se contenter d’apposer les scellés dans l’appartement, aux mansardes du sixième étage abritant l’atelier de composition du Journal l’Ami du Peuple, et sur la porte de la cave où étaient installées les presses.
De semblables gages donnés au parti de la révolution, les relations que les circonstances firent naître entre Chévetel et les patriotes en vue, amenèrent insensiblement celui-ci à prendre rang parmi les adversaires de la royauté. Les événemens avaient, pendant les mois qui suivirent, accentué cette situation. Il voyait familièrement Danton, et lorsque la Rouerie revint de Coblentz, au mois de juin 1791, Chévetel comptait au nombre des démocrates avérés. Il n’eut garde de révéler à son ancien protecteur son accession aux idées nouvelles ; de son côté, le marquis n’avait aucune raison de soupçonner ce revirement.
Si le commencement de ce récit a bien fait comprendre le caractère d’Armand de la Rouerie, on l’a jugé enthousiaste, crédule et enclin à une confiance tenace, assez proche parente de la naïveté. Sa loyauté n’admettait pas le mensonge ; sa bravoure excluait la prudence. Il possédait en outre cette qualité des aventureux de ne voir que le côté agréable des choses et d’être réfractaire à la méfiance. Il ne songea pas un instant à dissimuler : se