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marins qui sillonnèrent alors l’Atlantique, l’océan Indien et les mers de Chine, soient restés indifférens à des faits favorables ou défavorables dont le profit ou les dangers devenaient pour eux d’autant plus dignes d’attention, que les navires étaient plus petits, moins propres à résister que nos énormes bâtimens actuels, mus par la vapeur. Le faible n’est victorieux que par l’habileté. Quand les hommes du Nord, vers l’an 1000, allèrent de Norvège en Islande, d’Islande au Groenland, et du Groënland au Vinland qui cinq siècles plus tard devait être l’Amérique, ils laissèrent aux localités qu’ils y découvrirent des noms significatifs de leur préoccupation des phénomènes naturels ; Straumsœ, l’île des Courans, Straumsfjorde, la baie des Courans, Straumness, le cap des Courans.

Tout à coup, vers le milieu du XVe siècle, le monde éprouva une grande agitation : la Renaissance faisait sentir son influence sur l’Europe entière. C’était une soif universelle de curiosité, de science, d’ambition, de vie, c’est-à-dire de jouissance et d’or. Il y a de ces époques de fermentation dans la vie des individus comme dans celle des nations. Les premiers besoins étaient satisfaits ; on voulait davantage. La terre était morcelée entre des races diverses, les races divisés en peuples, les peuples en provinces, les provinces en bourgades, en hameaux, en châteaux, tous ennemis les uns des autres, guerroyant, luttant, massacrant et massacrés. La route la moins pénible encore pour les pacifiques ou pour les âmes éprises d’aventures, impatientes d’une ambition trop difficile à satisfaire dans les vieux pays, était encore la mer. Les nations se lancèrent sur les flots. Les unes, Venise, Gênes, cherchèrent la richesse et la trouvèrent, les autres la richesse et la domination sur de vastes contrées. La mer donna la gloire et la fortune, ne demandant en échange presque que de l’audace, et tous les vaillans, quelle que fût leur patrie, montèrent sur des vaisseaux, Portugais, Espagnols, Italiens, Français, Anglais, et un peu plus tard Hollandais. Colomb découvre de nouveau l’Amérique, et sa découverte n’est point l’effet du hasard. À supposer qu’il n’ait pas reçu d’assurance formelle de son existence, il la prévoit, guidé par ses observations et les renseignemens océanographiques mutilés, défigurés, quoique néanmoins recueillis et transmis de bouche en bouche. À Porto-Santo, il avait touché une pièce de bois curieusement travaillée que les courans avaient jetée sur la plage et, pendant ses voyages antérieurs, il avait remarqué que les rivages de Norvège, d’Écosse et d’Irlande, sur les côtes faisant face à l’ouest,