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sur une feuille de papier, l’image de ce qui s’accomplit sur le globe entier dans chaque ordre de phénomènes, les montrent même plus clairement qu’ils ne s’aperçoivent dans la nature, car, sur le papier, ils sont en quelque sorte disséqués, morcelés pour la plus facile compréhension de leurs composantes : on a le loisir d’examiner à part et en même temps, par superposition de cartes à la même échelle, la densité, la salinité, la température superficielle et profonde, la météorologie, le relief du fond, sa constitution minéralogique, les courans, les vagues et le reste. Ces graphiques donnent le pouvoir de combiner, de comparer, d’analyser, de synthétiser, d’essayer, de résumer de toutes les façons, à l’aise, sans fatigue, sans danger, sans déplacement, sans perte de temps. Le savant tient la nature sans quitter son laboratoire où le monde est venu s’entasser, se montrer dans ses moindres détails et dévoiler ses mystères.

Je n’ai pas parlé de l’auteur de l’océanographie, à la fois théorique et pratique, fondée sur la mesure et l’expérimentation, aussi rigoureuse qu’elle peut l’être de nos jours, à la perfection près des instrumens employés. Marsigli la fonda d’un seul coup. Né Italien, en 1658, successivement ingénieur au service de l’empereur Léopold Ier, esclave en Turquie, membre de l’Académie des sciences de Paris et de la Société royale de Londres, comblé de gloire, ignominieusement dégradé de tous ses titres et honneurs, véritable bohème de science, qui étudia la mer en Provence, publia le premier traité didactique d’océanographie en Hollande et dont Fontenelle prononça l’éloge funèbre. Marsigli surgit tout d’un coup sans avoir eu de maître ni de précurseur. Rien ne manque à son œuvre. Il fut complet — trop complet car s’il fut admiré et apprécié par quelques rares esprits éminens, entre autres l’illustre Boerhaave, il ne fit pas école. L’océanographie, inventée par Marsigli dans les dernières années du XVIIe siècle, tomba dans l’oubli. Un siècle et demi plus tard, vers 1842, son étude fut reprise sans beaucoup plus de succès, par un Français, Aimé. Malgré ces deux hommes de génie qui ne furent que des isolés, le mérite d’importantes découvertes et surtout d’un labeur méthodique et continué sans interruption pendant cent années donne aux États-Unis le droit de se dire les fondateurs de l’océanographie.

Les applications ont suscité de nouvelles découvertes. Les périodes d’ambition, de découvertes géographiques, de découvertes