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ou la formation du ministère Monferrand. Toutes ces intrigues, habilement, adroitement emmêlées les unes dans les autres, faciles et même intéressantes à suivre, n’ont pour objet que de tenir en haleine la curiosité du lecteur. M. Zola n’y a pas lui-même attaché d’autre ni de plus grande importance. Il les a trouvées actuelles, comme étant d’hier, et bonnes en conséquence pour former la trame d’un récit de mœurs contemporaines. Elles seraient différentes que son Paris n’en vaudrait ni plus ni moins. Puisqu’on exige des « aventures » et que cela seul fait prendre un livre par-dessus les nues, — on dit aujourd’hui : le fait vendre à cent mille exemplaires, — M. Zola nous en a donné. Mais encore une fois, c’est ailleurs qu’est pour lui le vrai drame ; — et le vrai sujet de Paris, c’est la « déchristianisation » de l’abbé Pierre Froment.

On sait plus d’un chemin qui mène de la foi, je ne veux pas dire à l’athéisme, mais à l’incroyance ou à la rébellion, et, par exemple, ce ne sont évidemment pas les mêmes raisons qui ont conduit un Renan ou un Lamennais, de la religion de leur enfance, à l’incrédulité légère, ou à la sombre négation de leurs dernières années. Quomodo cecidisti, Lucifer ? On tombe de plus d’une manière. Il y en a qui n’ont pu soumettre à aucune autorité l’orgueil de leur intelligence, et il y en a qui n’ont pu ployer à aucune contrainte la raideur de leur volonté. D’autres encore, comme le vieil Hugo, pour se détacher du centre du catholicisme, en ont eu surtout des motifs qu’on pourrait appeler politiques. Mais le malheureux abbé Froment, lui, n’en a eu, si je l’ose dire, que de physiologiques. Ce prêtre n’a un moment hésité à quitter sa soutane que par peur, en la quittant, « de rester quand même décharné, blessé, infirme, sans jamais pouvoir redevenir pareil aux autres hommes ». S’il finit par prendre son parti, c’est une belle fille « saine et bien portante », avec « un front d’intelligence, un nez de finesse, des yeux de gaîté, des bras de charme et de soutien », qui réussit à le tirer de l’abîme du désespoir et du doute. Il n’y avait jamais eu dans la violence de ses négations, dans la révolte de sa raison, dans l’exaspération de son incrédulité, qu’ « une ardente faim d’aimer, qui se contente dans la femme, dans l’enfant, dans la vie laborieuse et féconde » : M. Zola y ajoute l’exercice de la bicyclette. Et ce qu’il y a de plus triste pour l’abbé Froment lui-même, ou plutôt pour M. Zola, c’est qu’ils ne trouvent tous les deux rien de plus conforme aux leçons de la « glorieuse nature toujours en enfantement », — ni de plus héroïque ! M. Zola n’a point voulu du tout nous rendre son abbé Froment antipathique ou répugnant : au contraire ! Toutes les qualités de