mais qui ne voit que c’est une tout autre question, et qu’elle n’a rien de commun avec des distinctions de classes ou de races ?
Veut-on dire après cela qu’il n’y ait « rien à faire » ? M. Zola semble le croire ; et jamais homme, après avoir dénoncé les vices de l’heure présente, n’a fini par en prendre plus aisément son parti. Marions-nous, et fabriquons des poudres explosives dans le secret de nos laboratoires, sauf ensuite à « domestiquer le volcan » : je ne lui fais pas tort, en résumant ainsi ses conclusions, d’un seul des remèdes qu’il propose. Mais, du volcan domestiqué, comment on verra sortir la justice, c’est un autre problème ; et c’en est un plus obscur encore que de savoir comment, de la substitution de la « justice » à la « charité », on tirera « le culte humain de paix, de solidarité et d’amour ». Car enfin, en quoi consiste-t-elle, cette « justice » ? et quelle est encore cette fausse antithèse qu’on essaie d’établir entre elle et la « charité » ? J’entends bien que, pour M. Zola, la charité c’est le christianisme, et, ne voulant plus du christianisme, il ne veut donc pas de la charité. « Le jour où l’idée de charité croulerait, le christianisme croulerait avec elle, car il est bâti sur la charité divine corrigeant l’injustice fatale, ouvrant les récompenses futures à qui aura souffert en cette vie. » Ce sont encore des mots ! La charité n’est pas le tout du christianisme ; et ce qu’elle n’a pas pu faire, ce que M. Zola lui reproche de n’avoir pas fait, ce qu’il en appelle « la banqueroute », — qui est de n’avoir pas mis le paradis sur terre, — on ne voit pas comment la justice le fera. Nous traitera-t-elle selon nos besoins ? ou selon notre travail ? ou selon nos talens ? ou selon ces règles de droit dont on a pu si bien dire : Summum jus, summa injuria ? L’établira-t-on sur les hommes par la force, et au besoin par le crime, ainsi qu’y songe Guillaume Froment, quand il conçoit le dessein monstrueux de faire sauter d’un seul coup de mine dix mille pèlerins assemblés dans l’église de Montmartre ? On voudrait le savoir. On voudrait savoir aussi quelle en sera la sanction ? ce qu’il adviendra de ceux qui refuseront de s’y soumettre ? ou comment on les y obligera sans manquer à la justice même ? Mais toutes ces questions n’arrêtent point M. Zola. La justice ! il lui faut la justice I « Autrefois l’esclave accablé, brûlant d’une espérance nouvelle, rêvait d’un ciel où sa misère serait payée d’une éternelle jouissance. Maintenant que la science a détruit ce ciel menteur, cette duperie du lendemain de la mort, l’esclave, l’ouvrier, las de mourir pour être heureux, exige la justice, le bonheur sur la terre. C’est là, enfin, l’espérance nouvelle, la justice, après dix-huit siècles, de charité impuissante. » Il ne s’est pas d’ailleurs un instant demandé si la charité, — qui n’est que le nom