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tout aussitôt on cria contre « un scandaleux cumul ». Certaines feuilles, que j’ai lues, nous accusèrent même élégamment d’aller là-bas « nous engraisser au râtelier du budget. » Avec d’aussi minces ressources, les voyages hors de l’Attique étaient les uns difficiles, les autres impossibles. On dut se borner à étudier, sans se lasser, Athènes, ses monumens et ses environs. Les excursions étaient fréquentes et toujours précédées de fortes lectures préparatoires. Cependant, comment se résigner à tourner dans ce cercle, si riche qu’il lut ? M. Edouard Thouvenel, notre secrétaire de légation, déjà dévoué à l’École, fit, au mois de juillet, un voyage en France. Il dit en haut lieu, à Paris, quelle était notre gêne et combien elle mettait obstacle à nos projets d’exploration. En revenant, il nous apporta la nouvelle d’une augmentation de cinq cents francs. Nous raconterons en quelques lignes comment ils furent employés. Mais finissons-en d’abord sur le chapitre des finances.

Je n’aurais pas insisté sur cette question, pas plus que sur celle de notre premier établissement, si les imaginations ne s’étaient là-dessus donné carrière. En souhaitant un peu plus d’émolumens, nous ne pensions ni à des jouissances ni à un bien-être dont nous n’avions guère souci. Nous demandions des moyens de recherche, des instrumens de travail. Ces jeunes gens étaient si heureux de se sentir à Athènes que, pour eux, contentement passait richesse. Lorsqu’ils arrivèrent, on se trompe si l’on croit que leur lit était fait ; il s’en fallait de beaucoup. Mais ils prirent allègrement la chose. Dans un article de la Revue des Deux Mondes où Emile Saisset rendait compte, en 1862, d’un de mes livres, il a écrit :

« M. Lévêque partit joyeux pour l’Orient, vit en passant Florence et Rome, et trouva l’Ecole d’Athènes pleine de jeunesse et d’ardeur, sous la protection du ministre de France, M. Piscatory d’abord, puis M. Thouvenel… » — Eh ! comment, au débarqué, aurions-nous trouvé l’Ecole d’Athènes, puisqu’elle n’avait d’existence réelle qu’en nous-mêmes qui l’apportions ? Non seulement elle ne nous avait pas précédés, mais elle n’eut pas de quelque temps où reposer définitivement ses neuf têtes, car nous étions neuf : un directeur, sept membres agrégés et un secrétaire interprète[1]. Une

  1. Le directeur était M. Daveluy ; les membres étaient : Louis Lacroix, historien ; M. Ch. Benoit, Ch. Hanriot, Houx, Grenier, littérateurs ; M. E. Burnouf et Charles Lévêque, philosophes. — Blancard, d’abord interprète, ensuite économe !