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maison très agréable avait été récemment louée pour nous ; mais elle était vide. La troupe s’installa sans murmurer à l’hôtel de l’Europe, tenu par un Français qui était venu depuis longtemps tenter la fortune. Nous fûmes chargés de garnir, et provisoirement à nos frais, la maison Ghennadios. Chacun achetait, selon son goût, le lit, la table, les rideaux, le divan, au magasin des Fratelli Papadacchi. Les allées et venues étaient incessantes. Enfin, on s’établit, on tenait son chez soi ; on l’avait bien gagné.

Combien de temps y resterait-on ? Officiellement, le séjour devait être de trois ans. Il faillit durer peu. J’ai à cœur de faire connaître ici à qui l’Ecole dut de n’être pas emportée par l’orage politique que nul ne prévoyait alors. La révolution de Février éclata juste un an après. Les ministres de la République de 4848 ne furent point défavorables à notre mission. Ce n’est pas assez d’attester qu’ils ne l’ont pas supprimée ; ils ne l’ont ni menacée, ni inquiétée. Sans doute, ils ne lui envoyèrent pas de subsides ; la crise financière les en empêchait. En 1881, M. Hippolyte Carnot, qui avait été en 1848 ministre de l’Instruction publique, fut élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Notre nouveau confrère était un homme excellent, très éclairé, très actif, droit et vert, quoique presque octogénaire. Sa physionomie grave et pourtant gracieuse, douce et ferme à la fois, attirait la sympathie avec le respect. Le hasard des chaises vacantes l’amena à côté de moi. « Ah ! monsieur Carnot, lui dis-je, laissez-moi tout de suite vous remercier chaudement d’avoir en 1848 maintenu l’Ecole d’Athènes naissante. Sa destruction eût été un grand malheur ! Jamais peut-être elle n’aurait été rétablie. » — Puis, sans rappeler que, malgré leur bon vouloir, le ministre et ses collaborateurs avaient été obligés de suspendre tout envoi de fonds, je lui racontai (l’avait-il ignoré ? ) de quoi, en ces temps difficiles, nous avions vécu. Pendant plusieurs mois, un banquier grec de nos amis, — on dirait aujourd’hui : un vrai francophile, — nous compta, à la date ordinaire, sans manquer, notre traitement en bons écus de France et de Grèce et en beaux talaris turcs tout flambans neufs. Si M. Paolo Scouloudi existe encore, comme je le souhaite, qu’il reçoive ce témoignage d’une gratitude que nous lui avons souvent exprimée ; mais dont je veux lui renouveler encore l’expression et cette fois publiquement. Je lui demandai un jour : « Mais enfin, monsieur, quelles sont à vos yeux les garanties de ces prêts généreux ? » Simplement, il répondit : « Votre