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Naples, ils n’en tiraient point vanité. Réservés et discrets, ils observaient, ils écoutaient ; ils apprenaient peu à peu à quelles conditions, à l’étranger, on obtient le respect pour soi-même et surtout pour son pays. M. Daveluy leur était d’ailleurs un parfait modèle de tenue et de tact. Je dirai, en finissant, tout ce que nous avons dû à ce chef éminent.

Je n’ai nullement l’intention de raconter les incidens divers de leur traversée de Naples à Athènes. Ce n’est pas de mon sujet. J’ai hâte de dire ce qui se passa, dès l’arrivée, quant à la définition de l’Ecole par celui qui, à Athènes, en était le promoteur et le chef politique. L’image de M. Piscatory est et restera présente à ma pensée, grand, fort, hardi cavalier, ancien philhellène ayant combattu pour l’indépendance grecque, il avait une belle physionomie un peu militaire. Sa parole brève, facile, chaude, exprimait l’énergie et la communiquait. Le premier discours qu’il nous adressa à Patissia peut tenir en quatre lignes. « Nous avons pensé qu’il était possible de créer ici, dans l’ordre littéraire, une institution analogue à l’Académie de Rome. Nous vous donnons un morceau de bois et un couteau ; faites quelque chose. » Il n’était pas possible d’indiquer plus clairement que l’on nous conviait à tenter une expérience, sans programme arrêté dans les détails, sans méthode déterminée. Or, rien ne nous avait préparés directement à un pareil essai. La mission se composait d’un professeur d’histoire, de deux professeurs de philosophie, de quatre professeurs de lettres. Ni les uns ni les autres n’avaient entendu parler, si ce n’est en quelques rares occasions, d’archéologie, d’épigraphie, dont, à l’Ecole normale, il était à peine question. Que pouvait-on attendre de jeunes gens aussi peu dressés à des besognes spéciales ? On comptait évidemment que les monumens encore subsistans, que les lieux historiques avec leurs montagnes, leurs fleuves, leurs golfes, leurs îles ; que les ruines, les vestiges, que les noms des villes fameuses susciteraient, dans ces intelligences nourries de souvenirs helléniques, des questions intéressantes à rajeunir ou à traiter pour la première fois. On se gardait de dire lesquelles. On se bornait à lancer en avant ce groupe curieux en lui disant : « Allez, cherchez, trouvez ! » En d’autres termes, il s’agissait, avant tout, de reconnaître le pays, puis de regarder et d’étudier, comme on étudie un livre, ce qui se présenterait de digne d’être bien regardé.

Pour cela, surtout alors, la connaissance du grec moderne