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vous comprendrez comment les crues du haut fleuve ne parviennent que l’année suivante à la mer.

Les cours d’eau côtiers de la Guinée descendent tous du plateau par des rapides. Quelques-uns sont très longs et naissent par 8° et 10° de latitude. Le plus grand, la Volta, draine un pays aussi considérable que de Saint-Nazaire à Munich, et d’Avignon à Liège. C’est après le Niger et le Sénégal la voie la plus importante de l’Afrique occidentale. Les Anglais en ont l’embouchure.

Le climat de la boucle du Niger comprend deux saisons principales : l’une humide, l’autre sèche, d’autant plus distinctes et plus tardives qu’on s’éloigne plus de la mer[1]. Mais les indigènes en distinguent six : les grandes chaleurs (avril et mai) ; l’Européen ne peut travailler de 9 à 3 heures ; les semailles (de juin à août, selon la latitude) : les premières ondées, irrégulières et rares, font renaître la végétation sur le plateau desséché, qui de roux devient vert ; l’air est lourd, chargé d’électricité. Pendant l’hivernage, les grandes pluies abaissent la température de 10 à 15 degrés ; ces déluges, accompagnés d’effrayans orages, sont quotidiens, mais brefs. La végétation est alors admirable ; mais le sol détrempé, les rivières fort grosses interdisent les voyages. Lors des récoltes, en automne, la chaleur grandit, assèche les marigots ; les bas-fonds se vident et exhalent les fièvres, — mois terribles, — au contraire de la saison fraîche qui suit (décembre à février), où les nuits sont fraîches, les jours supportables. En mars enfin, quand la chaleur a séché les terres, les indigènes brûlent partout les herbes ; les quelques pluies du petit hivernage donnent au sol engraissé par les cendres une verdure passagère ; les rivières sont guéables ; on voyage.


II

Ce qu’est le Soudan, les géographes le savent en gros aujourd’hui ; ce qu’il vaut, les économistes le discutent encore. Enthousiasme enfantin avant qu’on l’eût vu, dénigrement exagéré aux premières déceptions, étude sérieuse et plutôt favorable

  1. Sur le bas Niger, vers le 8e parallèle, il y a deux saisons de pluies : été et février. M. Toutée rapporte qu’il a vu là le mil en épis le 18 juillet, alors que, trente kilomètres plus haut, il sortait à peine de terre : en ce dernier point, il n’y avait plus de petite saison de pluie.