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jusqu’à Badjibo, 60 kil. de rapides. Pour M. Hourst, le commerce ne franchira jamais ces deux séries de rapides ; pour M. Toutée, il pourrait traverser ceux de Boussa en hautes eaux. Au-dessous de Badjibo, de Géba surtout, sur les 730 derniers kilomètres, le fleuve ne descend plus que 136 m. et devient une superbe voie navigable. Le delta, étendu de 25 000 kil. carrés, compte beaucoup d’embouchures qui versent loin en mer leurs eaux jaunâtres. Des barres les rendent presque toutes difficiles d’accès.

Remarquable par sa pente, par son régime, le Niger l’est moins par ses affluens. Un seul dans le cours supérieur : le Tankisso ; il coule presque en montagne et sert peu. Puis aucun sur la rive gauche jusqu’à ceux du Sokoto, le Goulbi n’Sokoto, encombré de végétaux et souvent à soc ; la Kadouna, accessible aux vapeurs sur 50 kil. Mais le grand, le merveilleux affluent du Niger est la Bénoué. Née dans l’Adamaoua, elle va presque droit au fleuve qu’elle atteint à 480 kil. de la mer ; elle coule 1 000 kil. pour descendre de 278 mètres à 81. Pendant la saison humide, avec des crues de 6 à 8 mètres les grands vapeurs remontent jusqu’à Bifara ; on transborde, en saison sèche, à Lokodja sur de petits vapeurs. A droite on ne connaît un peu que le Bani qui, lorsqu’il rejoint le Niger à Mopti, l’égale au moins. Venu des premières pentes du plateau soudanais, il entraîne sur un sol presque plat beaucoup d’affluens, devient vite parallèle au Niger et fertilise tout ce pays. Plus loin, c’est le désert. Lorsque le fleuve rentre dans le Soudan, c’est pour ne plus recevoir que des rivières de 400 kil. au plus, encore peu connues. La largeur du bassin du fleuve sur sa droite est moindre qu’on ne le pensait jadis : les affluens naissent au nord de la Côte d’Ivoire à 400 kil. de la mer ; au nord de la Côte d’Or à 1 000 kil.

Comme tous les fleuves tropicaux, le Niger gonfle avec la saison des pluies. Mais tandis qu’elles tombent en été, il ne grossit qu’en automne, en hiver. Les crues du haut fleuve, formées en été, n’arrivent qu’en janvier à Tombouctou ; un grand nombre de marigots, de plaines basses, de lacs, s’emplissent alors et ne se vident que lentement. La prise de Tombouctou en 1894 nous a révélé, à l’ouest de la ville, tout un groupe de lacs, immenses réservoirs et régulateurs du fleuve, dont les plaines bordières se prêteront à merveille à une culture intensive ; le Faguibine, le plus grand, a 110 kil. de long (comme de Paris à Rouen) et des fonds de 30 m. Ajoutez les barrages et les étranglemens du lit et