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histoire : 160 kil. environ sont exécutés, il en faut encore 376 et les crédits votés ne permettent pas de prévoir la fin avant 1907 ! La nécessité stratégique, l’énorme économie que le budget tirerait du chemin de fer, l’enrichissement du pays et la possibilité de lever plus d’impôts, tout ordonne de changer de méthode. D’autant plus que les Anglais entreprennent à la fois trois chemins de fer : par la Sierra-Leone, par la Côte d’Or, par Lagos ; chacun d’eux, long déjà de 30 à 40 kilomètres, se construit très vite. Si nous n’y prenons garde, ce sont eux qui draineront le plateau. Il faut donc achever notre voie ferrée du Sénégal et nous occuper des autres projets : la voie de Konakry au haut Niger (projet Brosselard et Salesses) ; celle du Bandamma au Bani, étudiée par le capitaine Marchand ; celle du haut Dahomey enfin, que l’Etat peut ne pas entreprendre, puisqu’une compagnie s’en chargerait. Le Soudan n’a pas d’unité ; c’est une série de compartimens ; il lui faut beaucoup de portes ; nous en tenons quatre : faisons-y déboucher autant de routes commerciales.


III

Ce Soudan si convoité de nos jours, les Européens l’ont longtemps dédaigné, ignoré. Aujourd’hui, on s’en dispute les miettes. Quelques-uns rient : le monde est si grand ! — Non, il est petit et presque tout est pris : Europe, Amérique, Océanie, les trois quarts de l’Asie, presque toute l’Afrique. Dans vingt ans, les barbares n’auront plus rien à eux ; les civilisés auront dépecé les continens. Alors renaîtront peut-être ces guerres où l’on taille dans la chair vive du voisin. Nous n’en avons pas vu pendant vingt-sept ans, entre autres raisons parce qu’on coupait les corps morts d’Afrique et d’Asie. Simple diversion d’un quart de siècle. C’est fait. Nulle réserve presque ne reste aux ambitions futures. Les géographes s’affligeaient de les voir en blanc sur leurs cartes ; les penseurs savaient ce qu’elles sauvaient de pleurs et de sang, que de morts elles épargnaient. Tout est fini ; on a été vite. Pour s’agrandir on ne taillera plus à grands coups dans les espaces blancs de la carte ; mais dans les teintes, pleines de maisons, de champs et d’usines… Voyons comment on a occupé les « blancs » du Soudan ; ce temps de conquêtes nous paraîtra peut-être pacifique un jour.

La traite y attirait seule jadis, et sur les côtes uniquement ; pour le reste, les Antilles valaient mieux. Perdu en 1763, repris