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en l’étendant encore, — qui se proposerait d’en conformer l’exercice et l’usage aux principes de la plus simple équité, nous aurait rendu plus de services qu’aucune depuis longtemps. Mais, hélas ! trop d’intérêts personnels s’y opposent, que l’on déguisera comme toujours sous de beaux noms. On continuera de parler des « volontés de la nation souveraine », et, pour quelques centaines de voix qu’on aura eues de plus qu’un concurrent, on se croira des droits, on s’en attribuera du moins à tyranniser tout ce qu’il représente. C’est le spectacle auquel nous assistons depuis déjà bien des années, et s’il était pour quelque chose dans cette indifférence, et cette lassitude, et ce dégoût dont nous parlions, y aurait-il lieu de s’étonner ?

En attendant, et faute de mieux, essaiera-t-on seulement de quelques palliatifs, comme de « restreindre le droit d’amendement », ou d’une manière plus générale « l’initiative parlementaire » ? limitera-t-on la durée des sessions ? empêchera-t-on le « législatif » d’empiéter sur « l’exécutif », et au besoin sur le « judiciaire » ? Augmentera-t-on le pouvoir du président de la Chambre ? ou diminuera-t-on le nombre des députés ? Toutes ces questions, à vrai dire, n’intéressent guère que les politiciens ; et nous n’avons pas, nous qui ne sommes ni députés, ni candidats, mais simples électeurs, à nous en préoccuper, ni même peut-être à les poser. On nous mettrait en demeure de les résoudre ! et ce serait le monde renversé. Chambres et ministères, nous ne leur demandons que de faire de bonne besogne. A eux de s’arranger entre eux ! « On oublie trop aujourd’hui que le gouvernement a un double rôle, un double devoir, disait M. Méline à Remiremont : ce n’est pas seulement d’aider les Chambres à légiférer, c’est aussi de gouverner, c’est-à-dire de porter son attention et ses efforts sur le dehors, sur toutes les affaires qui intéressent le pays. » C’est à la Chambre qu’il faudra dire cela, non à nous, qui n’en pouvons mais ; et qui ne demandons qu’à voir « le gouvernement gouverner » mais qui ne pouvons vraiment pas lui en procurer les moyens.

Il nous resterait à examiner une dernière question, qui est la plus obscure et la plus redoutable de toutes ; qu’on ose à peine poser, tant il est difficile et délicat d’y répondre ! qui existe pourtant ; et qu’on ne saurait affecter d’ignorer. C’est la question de l’extension ou de l’expansion coloniale, et de ses rapports ou de sa liaison avec la situation de la France en Europe. Pouvons-nous, avec une population de 38 000 000 d’habitans et dans l’état de nos finances, suffire à la double ambition que nous nous sommes imposée, d’être à la fois une grande puissance continentale, et une grande puissance coloniale ? Nos lec-