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bourgeois et de paysans avaient consenti, par pur patriotisme, à payer un équipement complet et à s’astreindre sans aucun espoir de récompense à une discipline rigide et à un service fort rigoureux, étant donnée la perfection exigée d’eux dans leurs manœuvres.

Si l’on avait voulu entrer en lutte avec la France, on l’aurait trouvée tout entière soulevée comme en 1792.

Avant le défilé, Louis-Philippe avait remis aux délégations des troupes de ligne un drapeau surmonté d’un coq de cuivre doré. À cette occasion il nous fit un petit discours assez bien troussé qui commençait par ces mots : « C’est encore avec un nouveau plaisir que je… vieux soldat, comme vous, j’ai combattu à Valmy et à Jemmapes… »

Ces phrases n’avaient qu’un tort : elles servaient au roi pour toutes les réceptions de délégations militaires et elles avaient fini par tourner à la « scie ».

Le sens de ce discours était heureusement plus important. Louis-Philippe y affirmait avec simplicité, mais avec conviction, que, s’il fallait défendre la patrie et nos libertés, il marcherait à la tête de la nation soulevée. C’était la conséquence de l’enthousiasme des gardes nationales ; c’était une affirmation de plus donnée à l’étranger de la fermeté de nos intentions.

La soirée qui suivit la revue fut moins heureuse pour le roi.

Sous le coup des menaces étrangères, s’était formée dans les villes et les campagnes de l’Est une « association patriotique », sorte de vaste franc-maçonnerie dont tous les adhérons prêtaient le serment de sacrifier leur vie pour la défense de la patrie et juraient de s’opposer jusqu’à la mort à la rentrée des Bourbons ; car dans l’esprit des populations de la frontière le retour de ces malheureux princes était assimilé à l’invasion étrangère. Un grand nombre d’officiers de la ligne, de gardes nationaux, de soldats faisaient partie de ces associations. C’était une véritable « ligue des patriotes », telle qu’il s’en constitua une après nos désastres de 1870. Elle eut d’ailleurs le même sort que cette dernière. Le ministère Casimir Perier ne put consentir à laisser exister une franc-maçonnerie qui comptait plus de 150 000 adhérens, parmi lesquels presque tous les membres des municipalités de l’Alsace et de la Lorraine.

Lors du séjour du roi à Metz, le maire de cette ville crut devoir haranguer le souverain au nom de « l’association patriotique. » S’adressant au roi, il exprima le vœu que